A quand la fin du préjudice aux écoliers?
LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT BONI YAYI
l'Abbé Gaston Aïtondji
aitondjigaston@yahoo.fr)
Suite aux résultats catastrophiques des examens, l'abbé Gaston Aïtondji, demande au président de la république de s'impliquer directement dans le débat autour du Nouveau programme d'études, comme il est descendu dans les champs du coton. Si vous voulez participer au débat sur la question, écrivez à indcroix@intnet.bj.
Je viens à vous, Monsieur le Président - et à travers votre auguste Personne, à tous les hommes de bonne volonté qui continuent à croire à la dignité de la personne humaine et au droit inaliénable de tout enfant à une instruction de qualité - dans un élan patriotique et obéissant à l'injonction de ma conscience de prêtre et de formateur, pour m'adresser à votre Excellence, non pas d'abord en tant que Président, tant s'en faut, mais en tant que " Papa " (avec toute la charge d'amour, d'abnégation et surtout de responsabilité vis-à-vis de l'enfant que ce mot suppose). Je viens à vous pour exprimer la douleur atroce qui accable aujourd'hui le cœur de tous les parents d'élèves au Bénin.
Je ne viens point grossir le nombre de ces nombreux béninois qui veulent voir en vous, comme un ciel au-dessus de leur désert, d'où la manne doive pleuvoir miraculeusement, sans qu'ils aient besoin de remuer le moindre pouce. Il s'agit ici d'une question de vie ou de mort. Et au stade où nous sommes, vous êtes l'ultime recours ; puisque les responsables directement concernés affirment ne pas être l'instance à laquelle il revient de décréter l'arrêt du "Nouveau Programme". Dites, je vous en prie, un seul mot et l'enfance béninoise sera sauvée. L'histoire sera témoin pour ou contre vous selon que vous aurez pris la bonne décision ou que vous aurez choisi, vous aussi, d'emboucher la trompette des "Caïns" pour nous conduire droit dans le mur. Certains cadres béninois ont suffisamment démontré leur méchanceté, à force de cupidité insatiable et d'égoïsme effréné, pour que vous ne remettiez en cause leur gestion de ce qu'il faut bien appeler la crise autour du Nouveau Programme d'Etudes.
Je suis, peut-être, en train de vous demander l'impossible, diriez-vous, si vous alliez considérer ce dossier avec seulement l'œil de l'économiste que vous êtes. Or il existe un certain nombre de faits probants où votre cœur a réussi à dicter une autre loi à la raison purement économique. Néanmoins, je voudrais, tout de même, me rassurer que vous n'êtes pas en train de faire montre d'une certaine faiblesse, en ce qui concerne la gestion de la question éducative au Bénin.
Vous m'objecterez, peut-être, la mesure de gratuité de l'enseignement maternel et primaire et les mesures d'accompagnement diligentes qui vous coûtent en sommeil, en milliards et, mutatis mutandis, en côte de popularité, tout au moins, auprès de certains acteurs de l'éducation qui n'ont d'autre dieu que leur ventre. Et je vous répliquerais tout simplement que dans ce cas d'espèce, il me semble bien, que vous êtes en train de déroger à la règle la plus élémentaire de votre domaine de compétence qui veut que l'on n'investisse que dans des secteurs qui présentent, tout au moins, quelques garanties de rentabilités à court, moyen et long terme. Car il ne suffit pas d'envoyer tous les enfants à l'école à coût de milliards. Il faut s'assurer, au préalable, qu'ils y bénéficieront d'une instruction de taille à la hauteur du sacrifice consenti. A moins que vous n'ayez fait cette noble et courageuse option simplement pour les beaux yeux de l'opinion internationale ou pour "faire effet" et non pour la cause des enfants et de l'avenir de ce pays. Mais il me semble que vous faites preuve d'une bonne volonté suffisante et d'une si grande ambition pour ce pays que je ne puis me permettre de douter, un seul instant, de votre bonne foi. Je me refuse donc à croire que vous ayez choisi de vous laisser aller à un pareil "divertissement" politique, sans pour autant excuser le manque de volonté politique et la fuite de responsabilité que cache votre réticence à aborder cette question de front.
J'espère que les tentatives athlétiques et malicieuses, de certains acteurs du système éducatif pour rendre raison des récents résultats catastrophiques aux examens vous ont ouverts les yeux. "Intelligenti pauca …". Vous devez avoir compris que, de peur de subir le courroux de votre légitime colère dont beaucoup ont déjà fait les frais à leur dépens, ils ont simplement choisi de vous rouler dans la farine en dissimulant et en diluant subrepticement le vrai problème dans une marre d'éléments, certes fondés mais périphériques, pour vous distraire.
Monsieur le Président, de tout ce qu'ils vous ont dit, je retiens ceci que le système éducatif béninois souffre d'un mal tripolaire où les gouvernants, les acteurs de l'éducation et les parents d'élèves doivent revoir leur copie. Ils n'ont fait que défoncer une porte déjà grandement ouverte. Cette remarque est réelle et nous devons tous y travailler. Mais, il faut le reconnaître, elle ne date pas d'aujourd'hui. D'ailleurs, si malgré un pareil contexte, peu favorable à l'épanouissement qualitatif de l'école, les établissements privés qui ont choisi de côtoyer ou de bouder carrément le Nouveau Programme ont fait des scores si retentissants pendant que les purs produits du Nouveau Programme y ont lamentablement laissé leurs plumes, leur peau et leur espoir, n'y a-t-il pas lieu de se douter tout au moins que le nœud du problème est ailleurs ? Avons-nous vraiment besoin d'une réunion d'experts en éducation pour nous rendre à l'évidence de cette réalité qui crève, pourtant, les yeux ? Pourquoi ne vous ont-ils pas dit expressément que le Nouveau Programme est foncièrement pervers et qu'on n'arrivera jamais à bout du "sinistre" (pour citer vos propres mots), si nous devons continuer avec ? Monsieur le Président, continuer à faire ce jeu serait, plus qu'une faiblesse, le signe d'une démission de votre part. Dieu vous garde de sombrer dans un pareil travers.
Ils ont parlé, par ailleurs, d'un " système d'évaluation par compétence " au nom duquel ils auraient recalé tous les enfants n'ayant pas réuni la moyenne de 10 sur 20 dans un certain nombre de matières préalablement définis. En plus de la méprise philosophique et anthropologique que peut charrier un tel système, cet état de chose, s'il est réel, est une injustice inqualifiable que nos cadres ont délibérément choisi d'infliger à nos pauvres enfants en les appréciant à l'aune d'un système vicié auquel ni les enfants, ni leurs maîtres, n'avaient été préalablement sensibilisés. Cet état de chose doit normalement faire l'objet d'une poursuite judiciaire contre les auteurs et les acteurs de cette piteuse décision qui a jeté les élèves et les parents dans le désarroi. Le CEPE n'est pas un concours d'excellence. C'est un examen. Et même si nous devons tous travailler pour l'excellence à tous les niveaux, il me paraît inconcevable qu'on puisse opter pour un programme anti-excellence et vouloir se dédouaner au détriment des enfants en feignant de rechercher cette excellence là même où elle n'est pas. J'espère que les Représentants de
J'en viens maintenant à cet autre argument allégué ici et là, et selon lequel l'horreur et la répugnance que suscite le Nouveau Programme seraient le fait de sa relative nouveauté ou cette autre thèse qui stipule qu'on ne peut plus arrêter le Nouveau Programme parce que les enseignants ne seraient plus à même d'exécuter un autre programme, pour dire, haut et fort, que ces allégations sont, non seulement viles et légères mais trop basses. Et pour cause !
D'une part, ce qui est nouveau n'est pas nécessairement répugnant. La curiosité de l'esprit humain accorde généralement une certaine audience apriorique à tout ce qui est nouveau, quitte à le repousser quand il ne porte pas les fruits dont ses fleurs ont été la promesse. Si donc, tout le monde - les cadres entêtés exceptés, bien sûr - manifeste presque unanimement quelque gêne par rapport à ce programme, il y a bien lieu de reconnaître qu'il n'y a jamais de fumée sans feu. Aussi voudrais-je souligner que cette allégation qui veut noyer le légitime grief des honnêtes béninois contre le Nouveau Programme dans le fallacieux prétexte de sa nouveauté, constitue une injure grave à toute la population béninoise à qui les farouches défenseurs du Nouveau Programme veulent dénier même la chose du monde la mieux partagée, le bon sens.
D'autre part, le "Nouveau Programme" n'est véritablement plus nouveau, car si en 10 ans, il n'a réussi à former qu'un troupeau de robots ou de machines à répéter qui savent à peine écrire leur propre nom, quel retournement devrait-on logiquement en attendre, surtout quand on sait, qu'au moyen de ce programme, nos cadres se servent plutôt de nos enfants comme de vulgaires rats de laboratoire puisque, paraît-il, on l'applique depuis 10 ans à tâtons et "sans référentiel" ; c'est-à-dire qu'on ne sait même pas la destination à laquelle on mène nos enfants. Ils sont pourtant, avant tout, des êtres humains dignes de respect. C'est horrible.
Par ailleurs, goguenarder que "nous ne pouvons plus reculer !", alors qu'on n'a jamais su là où l'on va, est plus qu'une abomination que même les animaux, qui ne vivent que d'instinct, savent éviter. D'ailleurs, si nos enseignants et même les inspecteurs non corrompus veulent être sincères, ils doivent confesser unanimement leur dépit et leur désir profond d'en découdre avec le Nouveau Programme qu'ils essayent de vulgariser et de promouvoir à leur corps défendant. Nos enseignants ne sont pas des abrutis. Qui ne voit pas que le "Nouveau Programme" a déjà emporté près de 10 générations d'enfants dans ses flots ! Une bombe potentielle de misère qui explosera dans quelques années au grand malheur de notre pays.
Pour toutes ces raisons évoquées et à cause du désarroi des parents d'élèves et de l'opinion publique, le futur de ce pays vous interpelle, Monsieur le Président, à descendre personnellement dans les dédales du Nouveau Programme, comme vous l'avez fait si bien dans les champs de coton. Plaise au Seigneur, Défenseur des pauvres et des petits, de vous prêter main forte. Amen.
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