"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Bénin :

20 novembre 2007 - In La Presse du jour-

La violation des libertés individuelles s’accentue

Les libertés individuelles et les droits de l’homme sont de plus en plus violés au Bénin. On peut désormais le dire. Des exemples qui étayent ce constat existent d’ailleurs. Au cours de la semaine qui vient de s’achever, trois cas de violation des libertés individuelles chèrement conquises à la Conférence nationale ont été enregistrés sans que les organisations de la société civile, très actives dans la défense des droits de l’homme, ne s’en offusquent. Visiblement, le gouvernement du changement s’engage sur une mauvaise pente qu’il convient de rectifier au plus tôt.

Tout a d’abord commencé par le sit in des ex-agents des collectivités locales et contractuels en service dans les préfectures du Bénin qui a été interdit le jeudi 15 novembre dernier. Pour empêcher ces travailleurs de tenir leur sit in, le ministre Issa Démolé Moko a décidé de militariser l’enceinte de son ministère. Toute tentative de regroupement autour du ministère a été aussi interdite. C’est après avoir souhaité leur reversement dans la fonction publique qu’il s’est installé entre ces ex-agents des collectivités locales et leur ministre de tutelle le bras de fer. Le droit de manifester qui est pourtant reconnu à ces travailleurs par la Constitution du 11 décembre 1990 a été ainsi bafoué sans que personne ne s’en offusque. On croyait que la dérive déjà larvaire allait se limiter à ce cas là quand le vendredi 16 novembre 2007, le député Célestine Adjanohoun a été interdit d’effectuer une mission sur les Etats-Unis. Des instructions formelles ont été données au protocole de l’Assemblée Nationale pour qu’aucun billet d’avion ne soit acheté au nom de ce député-là qui, au-delà des question, d’imminuté jouit de la présomption d’innocence dans le dossier Sbee dans lequel elle a été citée par le Conseil des ministres du 9 novembre dernier. En dehors donc des travailleurs, la dérive s’est étendue aux élus du peuple. Même le président Mathurin Nago n’a pu faire quelque chose pour que sa collègue effectue le voyage. On se demande alors si l’Assemblée nationale qui jouit pourtant, au regard de la Constitution du 11 décembre 2007, du pouvoir législatif est encore indépendante si tant est que des ordres peuvent venir de partout pour s’imposer à elle. Le 3è cas de violation des libertés individuelles qu’il convient de signaler est relatif à celui qu’a vécu le dimanche dernier l’ancien député Jean-Claude Hounkponou, président du Parti Upd-Gamèsu. Alors que la Constitution du 11 décembre 1990 stipule en son article Article 25 que « L’Etat reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation », M. Jean-Claude Hounkponou a été interdit de parler à ses militants. Cela se passait le dimanche dernier dans la commune de Bopa. De retour de la France où il a passé plusieurs mois à l’hôpital, l’ancien député Jean-Claude Hounkponou que ses pairs ont débarqué de la tête de l’Upd-Gamessu a décidé de rencontrer ses militants. L’objet de cette rencontre était, entre autres, de leur expliquer les tenants et les aboutissants de cette crise de leadership au sein du parti et, surtout, de les remercier pour tout le soutien dont il a bénéficié pendant tout le temps qu’il était en vacances sanitaires en France. Contre toute attente, l’honorable Jean-Claude Hounkponou a été empêché d’exercer ce droit que lui reconnaît la Constitution. Des forces de l’ordre appelées par le maire en place ont tout simplement interdit tout rassemblement. Tous les militants Upd-Gamessu qui étaient venus des sept arrondissements de la commune de Bopa ont été tout simplement interdits d’avoir accès à la maison des jeunes où devrait se tenir le meeting politique au cours duquel M. Jean-Claude Hounkponou allait les entretenir. Le maire de Bopa, M. Tagbaho Tchékessi qui aurait perçu de prétendus risques de troubles à l’ordre public à travers des communiqués contradictoires balancés sur les ondes d’une radio locale, a dû demander du renfort du côté des forces de l’ordre pour quadriller la ville, après avoir adressé une note d’interdiction de rassemblement à M. Jean-Claude Hounkponou, avec ampliation au préfet Henriqui Saliou, au chef de brigade de Bopa et au chef de l’arrondissement de la ville. Au lieu donc de rester au-dessus de la mêlée, ce maire qui incarne le pouvoir local a carrément pris partie en empêchant son rival politique de parler à ses militants. Visiblement, le maire Tagbaho a travaillé pour l’autre aile de l’Upd-Gamessu à laquelle il appartient et qui est présidée par le président Mathurin Nago. Cette dérive n’a malheureusement eu aucun écho du côté des organisations de la société civile chargées de la défense des droits de l’homme. Outre ces trois cas, la Cour Constitutionnelle présidée par Mme Conceptia Ouinsou rend régulièrement des décisions qui ont rapport à des violations des droits de l’homme. Plusieurs autres cas isolés existent et montrent que la démocratie béninoise est tout simplement sur une corde raide.

Affissou Anonrin



20/11/2007
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