Bilan à mi-parcourt
An II, cœur en détresse !
lundi
Arimi CHOUBADE
Rédigé le
Je me serais volontiers abstenu de gâcher le
bonheur des nouveaux princes, festoyant en boucle sur les chaînes de télé pour
l’an 2 du régime. C’est leur droit de s’enfoncer davantage dans des
manipulations despotiques, des mensonges d’Etat, des combines et des
entourloupes politiques. Leur droit aussi de choisir d’insulter la misère de
leurs compatriotes à travers des orgies, des paillettes et de l’or à l’occasion
de dispendieuses mondanités. Mais c’est également du droit d’un chroniqueur de
médias de restituer l’envers du décor. Parfois à contre cœur. Et oui, à contre
cœur.
Tout chroniqueur aussi professionnel, aussi
impartial qu’il soit dispose aussi d’un soupçon de sensiblerie. J’en veux pour
preuve, la période sabbatique de l’excellentissime Tlf (Félicien Tingbo) qui
avait volontairement planté sa plume dans du sable dès l’avènement du
changement. Il a dû reprendre de la verve quelques mois plus tard face au
révisionnisme ambiant, au risque d’écorcher par endroits la
« nouvelle » ligne éditoriale que sa station essaie de se donner, non
sans grand mal. Chassez le naturel…
Au début, beaucoup s’étonnait que la
« République des Marigots » du sud version Changement se soit donné
deux « docteurs Malèkè » : deux fous qui ruent dans les
brancards sans limite. Ceux qui ont lu Le Cercle des Tropiques de Alioune
Fantouré savent de quoi il s’agit. Aujourd’hui le sport de la critique verte
draine de plus en plus d’adeptes. Magistrats, avocats, enseignants, G13, puis
G4, Padme etc… commencent par sentir eux aussi les méfaits du culte du régime à
la limite du blasphème et du sacrilège. Comme j’ai décidé de rester dans la
sensiblerie à travers cette chronique, j’avoue que j’aurais tant souhaité que
nous n’ayons jamais eu raison, Tlf et moi. Et que nos alertes n’aient été que
de pures déformations de rêves. Finalement, on ne peut s’empêcher d’enrager, de
constater le sans-gêne des gens qui conduisent progressivement le pays au bord
du précipice.
L’Etat du Bénin s’ait qu’il ment en proclamant
qu’il a rendu gratuite l’école maternelle et primaire. Juste une exonération de
frais de scolarité qui vaut déjà une bienveillante initiative sans qu’on ne
rajoute la mégalomanie. Les uniformes, les livres, les fournitures scolaires,
le déplacement des enfants demeurent à la charge des parents. Le Centre
national de production de manuel scolaire (Cnpms) de Porto-novo n’a bénéficié
d’aucune espèce d’attention depuis deux ans. Aucun des communicants de l’an II
du régime n’a osé exprimer en chiffres le nombre de nouvelles écoles
construites, de pistes rurales aménagées, d’hôpitaux refaits, de puits forés
d’avril 2006 à avril 2008.
Beaucoup de Béninois n’ont pu sabler le champagne
en ce week-end festif des « caurisants » privilégiés. Les diplômés
sans emploi chassés après le retour à la douane de l’escorte des véhicules d’occasion,
les paysans qui viennent de subir deux saisons cotonnières à la limite de la
catastrophe, le secteurs des Gsm actuellement sous la coupe réglée de
l’affairisme d’Etat, les opérateurs économiques constamment astreints à la
pression du fisc, les travailleurs groggy après la diminution du Smig, les
premiers prisonniers politiques de l’ère du changement lié au rocambolesque
épisode du vol de cartes d’électeur. Le quai abrite finalement plus de gens que
le navire de l’émergence lui-même.
Excusez moi si la mélancolie reprend le dessus.
La tête n’est vraiment pas à la fête.
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