Bilan II ans
La page est tournée. Les deux ans de Boni
Yayi au pouvoir sont désormais derrière nous. A défalquer d’un crédit total de
cinq ans pour que, arithmétiquement parlant, nous nous concentrions mieux sur
ce qui reste à venir, à savoir les trois années qui se profilent à l’horizon.
Evidemment, les Béninois accompagnent de leurs vœux ardents, expression d’une
espérance têtue, ces trois années à venir. Tous les peuples de la terre
n’aspirent qu’au meilleur. La reprise de la marche du Président, en route vers
les prochaines étapes de son quinquennat, s’insère dans un contexte social et
politique franchement malsain. N’ayons pas peur des mots. Un contexte de fortes
tensions. Un contexte de crispation chaque jour exacerbé. Un contexte de
suspicion entretenue. Deux groupes de gladiateurs ont, en effet, pris d’assaut
l’arène sociale, l’injure à la bouche, prêts à en découdre.
Témoins
de ce piètre spectacle, les populations. Elles sont désemparées, ballottées
dans tous les sens, comme si on voulait leur faire croire que le bien être
auquel elles aspirent dépendait du sort des coups de gueule qui fusent de
part et d’autre, des coups de poing qui pourraient s’échanger bientôt si les
uns et les autres ne savaient pas raison garder.
Dans l’ordre du symbolique, la bagarre qu’il nous est donné de vivre, en ce
moment, met en présence deux machines de guerre. Avec au milieu, à égale
distance des deux, Boni Yayi. Lourdement chargé et noirci d’un côté.
Délibérément déchargé de tout et expressément blanchi à volonté de l’autre
côté. En somme, le Président pris en sandwich entre la machine à applaudir à
tue-tête et à tout rompre et la machine à grogner de tout, à broyer tout, sans
pitié.
La machine à applaudir, c’est une sorte d’applaudimètre fou : tout ce qui se
fait dans le pays est bien, est bon, est beau. Du cirage et du détergent à
gogo. Le Président, homme providentiel s’il en est, ne doit faire l’objet du
moindre reproche, de la moindre critique. Honte à qui s’y risquerait ! Malheur
à qui mal y pense ! Maudit soit qui médit du changement !
La
machine à grogner et à broyer quant à elle, c’est une sorte de boîte à
critiquer qui distille à souhait du venin et du fiel. Le Président ne fait
rien. Le gouvernement, sans boussole et sans inspiration, tourne en rond. Le
changement n’est qu’un leurre. Tout est pourri dans un pays qui part en
morceaux. Rien à espérer d’un pays qui court droit à sa perte, piétinant au
passage les libertés, réduisant en un chiffon de papier la charte des lois.
Qu’on
ne s’y méprenne pas, la politique politicienne est comparable à une vaste aire
de jeu à géométrie variable. Les politiciens, à l’aise comme poissons dans
l’eau, y surfent à loisir. Avec ce qui passe pour leur occupation favorite, ils
exécutent des figures d’acrobatie d’une rare complexité. Du reste, plus c’est
compliqué et plus c’est entortillé, mieux cela vaut. La politique, sous nos
tropiques, est un bois sacré. N’y ont accès que des initiés.
A ce
niveau extrême de confusion et de cacophonie, dans ce jeu assassin où l’on se
tire dessus sans pitié, maltraitant le consensus national qui aida à aiguiller
notre pays sur les voies du renouveau démocratique, les Béninois n’ont qu’un
seul souhait. Un souhait aux allures d’une respectueuse exigence à l’adresse du
chef de l’Etat. Monsieur le Président, sortez de votre silence et prenez de la
hauteur, en vous hissant au-dessus de la mêlée ; parlez à votre peuple en quête
de réponses à ses interrogations inquiètes sur le présent et l’avenir du Bénin
; démarquez-vous des machines de guerre en service et prenez une
initiative forte, du genre d’un cessez-le-feu général et immédiat
pour pacifier les esprits, réhabiliter l’espace politique enfin rendu à
un débat sain, critique et constructif.
Et
pourquoi, Monsieur le Président, devez-vous vous engager à mener à bien une
telle entreprise de salut public ?
Premièrement
: il n’est ni politiquement salubre, ni mentalement tonique de continuer à
cultiver de la pourriture. Une pourriture qui empeste le pays tout entier en
ses quatre points cardinaux. Qui accepterait d’être le chef d’un pays rempli
d’une odeur infecte ? N’a donc que trop duré l’empoisonnement, le péril
environnemental auquel sont exposés vos concitoyens par médias interposés. Il
faut arrêter le massacre. Il faut enrayer ce cycle infernal. Personne n’y gagne
au change. Car, il faut avoir un sacré culot, proche de la déraison joyeuse ou
de la folie douce pour soutenir que quand le Bénin perd, ce sont les Béninois
qui gagnent ?
Deuxièmement
: un terrain politique gras et glissant où les différents acteurs s’épient sans
arrêt, s’affrontent à tout propos, n’est pas pour un Président soucieux de
donner de la lisibilité à sa vision, de la visibilité à ses actions, son
meilleur espace de réalisation. C’est le droit chemin pour ne jamais y voir
clair. C’est le moyen le plus sûr pour noyer le poisson. Dissipez ce rideau de
fumée qui bouche notre horizon commun. Communiquez au-delà des frontières du
cercle de vos fidèles. Vous êtes le Président de la République du Bénin, donc
le Président de tous les Béninois. Ne soyez l’otage de personne. Restez le chef
de tous.
Troisièmement
: vous avez, à présent, trois ans pour faire ce qui vous reste à faire, refaire
ce qui n’a pas été bien fait, parfaire ce qui mérite de l’être. Trois ans,
c’est 365 jours fois trois, soit 1095 jours/pages à écrire. Vous avez le temps
d’allumer mille soleils sur les chemins de notre avenir. Agissez, Monsieur le
Président, dans l’intérêt de votre peuple, pour vous assurer d’agir dans votre
propre intérêt.
Jérôme Carlos
La chronique du jour du 7 avril 2008
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