"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Populisme et développement

BONI YAYI ET 2011

 

21-05-2008

 

Florent Couao-zotti

De temps en temps, en citoyen immergé dans le train train de la vie quotidienne, je donne l’oreille à la rue, discute à tout va avec les petites gens, voir si entre les « réalités officielles » qu’on nous donne à souper et ce que ma vision des choses me fait apprécier, il y a des épisodes essentiels de la vie publique qui m’échappent.

Zémidjan, sages du quartier, vulcanisateurs, vendeuses d’oranges au décolleté tombant, mangeurs de « gabriel » dans les gargotes, tous, un jour ou l’autre ont subi ma provocation, juste parce que j’ai voulu entendre la version qu’ils ont de la gestion du pouvoir Yayi. Cela, loin des discussions d’officine ou des débats enfiévrés des salonnards.
Certes, ce n’est pas un sondage, ni une enquête d’opinion, mais un instantané d’appréciations, des échanges au brûlot sur la façon dont le pays est conduit, avis qui risquent de perdurer et motiver leurs choix pendant les échéances électorales de 2011.
Ce qui est remarquable dans leurs propos et presque unanime, c’est le rejet qu’ils font de la gestion du pouvoir du Changement. Les réalisations du gouvernement en matière d’infrastructures, routes, écoles, centres de santé ne semblent pas trouver grâce à leurs yeux. Au surplus, les accueillent-ils avec sourire et ironie, comme s’ils en avaient déjà vu d’autres. « On ne mange pas ça, fulminent-ils à l’endroit du locataire actuel de la Marina, Soglo a fait plus, mais nous l’avons chassé… »
Que reprochent-ils à Yayi ? Comment se fait-il que, célébré hier comme un messie, le natif de Tchaourou soit  aujourd’hui l’objet de rejet quasi pathologique chez nombre de Béninois ?
Cinq raisons peuvent expliquer cette situation.
D’abord, des causes d’ordre sentimental : malgré les ans, il existe encore dans notre pays des élans d’instinct grégaire, ces automatismes de repli ethnique et communautaire qui s’observent à l’occasion de certains événements. Lorsque, par exemple, le leader d’une région est l’objet d’une sanction du pouvoir central. Un acte toujours interprété comme une décision dirigée contre les natifs de la région et donc, forcément, contre leurs intérêts. C’est le cas des gens issus du Plateau.
Le fait que Sefou Fagbohoun ait été emprisonné et maintenu pendant longtemps dans les fers – en dépit du délibéré de la cour d’appel – a été vécu par tous comme de l’acharnement gratuit. Surtout que cet acte, estiment-ils, serait à l’antipode des promesses que le candidat Yayi aurait faites au leader du MADEP entre les deux tours des présidentielles. « S’il veut nous rendre orphelins, clament les natifs de la région, il nous trouvera sur son chemin ». Un élan de solidarité, inexistant jusque là, s’est alors cristallisé autour de Fagbohoun, faisant désormais de lui, la victime héroïque du système Yayi.
Le même sentiment, quoique plus nuancé, apparaît également dans l’attitude de l’électorat fon, majoritaire au sud et centre du pays. On se rappelle, avant les élections, les passes d’arme entre Soglo et le gouvernement Yayi. On se rappelle surtout les menaces du sieur Alexandre Hountondji contre le leader des Houézèhouè. Le porte-parole du gouvernement avait alors menacé de représailles le maire si jamais il l’ouvrait encore aussi grande. De fait, l’électorat fon a jugé intolérable cet affront et manifesté diversement son hostilité. Et si on y ajoute ce pseudo vol de actes d’électeurs, la publicité incroyable qui en avait été faite et l’attitude irresponsable de la FCBE, le repli identitaire s’est aussitôt produit, les gens prenant faits et causes pour les leurs, considérés alors comme des victimes du pouvoir.
La seconde raison du rejet du gouvernement Yayi relève de la gestion calamiteuse des micro-crédits et du fonds national pour l’emploi de jeunes.
Sur le terrain, il existerait des intermédiaires troubles – des espèces de kélébés qui disent avoir reçu mandat du ministre de tutelle – et qui rançonneraient les bonnes femmes jusqu’à dix pour cent des sommes qui leur sont allouées. Et cela, dans une ambiance de menace, de passe-droit et de délation. Ceux ou celles qui seraient soupçonnés de sympathie avec d’autres partis, seraient priés d’aller se faire pendre en enfer. A moins qu’ils produisent la preuve de leur amour fou pour la FCBE. Bref, pagaille, insolence et irresponsabilité seraient en train de prospérer sur ce terrain-là sans que se profile à l’horizon le moindre signe de correction…c’est ce qu’on appelle le « clientélisme barbare », a commenté un amateur de viande de  gabriel.
(Suite à la prochaine chronique)

 

Ecrit par Florent Couao-Zotti 

 

 



21/05/2008
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