Boni Yayi et sa méthode de gouvernement
Candide
Azannaï dit ses quatre vérités sur Boni Yayi et sa méthode de gouvernement
Candide
Azannaï est bien connu dans le paysage politique béninois. Ancien membre
influent de
Ayant
jusque-là pratiqué un profil bas entre ces deux positions, voilà que l’épée
morale prend le dessus et le mousquetaire dévoile ses penchants les plus tenaces
: Candide Azannaï sort de l’entre-deux et dit ses quatre vérités au pouvoir.
Dans une interview donnée à plusieurs journaux de la place, sans prendre des
gants l’ancien député se livre à une critique acerbe de la gestion du pouvoir
par Yayi Boni. Point par point, secteur par secteur, avec un souci
d’exhaustivité méthodique tout à fait remarquable. Pour un homme qui sait la
valeur des mots, et l’effet de leur usage, le choix qu’il en fait pour porter
le fer au cœur du nouveau régime et de ses méthodes n’est pas laissé au hasard.
Et ce choix, venant de lui, a de quoi inquiéter. Cette inquiétude doit susciter
débat. C’est la raison pour laquelle Babilown a choisi de mettre ce document à
la disposition de ses lecteurs.
S’agit-il des
borborygmes amers d’un homme politique frustré de ne pas avoir sa part du
gâteau caurique ? Ou bien d'une prise de langue stratégique avec les opposants
historiques du nouveau régime qui n'attendent que l'échec de Yayi Boni pour se
refaire une santé ? Ou alors, au rebours de l'émergence promise, est-ce la
chronique lucide d’une immersion annoncée ? A chacun de juger...
.
L'Evénement
Précis : Que
pensez-vous de la
gestion du régime du changement
?
CANDIDE
AZANNAÏ. Il faut d'abord repartir de ce concept introduit en
politique au Bénin. Ce n'est pas le Président Yayi Boni qui a été le premier à
le faire. Me Houngbédji en a parlé dans
son livre « Il
n'y a de richesse que d'homme ». Ce livre a été imprimé en 2005. Marie Élise
Gbèdo en a parlé bien avant. Le mérite du Président Yayi Boni est dans la
communication tapageuse autour de ce concept à la veille des présidentielles de
2006. Le changement n'est donc pas une exclusivité politique du Président Yayi
Boni. C'est le vœu de tout un peuple lassé par le régime de corruption
démesurée qui s'est installé dans le pays sous le Président Mathieu Kérékou.
Mais il faut aussi dire que le changement est une nécessité naturelle dans la
mesure où tout change et seul Dieu est immuable. L'appréciation politique
s'intéresse moins au changement mais doit viser comment il faut le faire. Le
changement tel qu'il est fait aujourd'hui est mauvais parce que fondé sur une
méthodologie de précipitation, d'à peu près qui annonce beaucoup d'inquiétudes
en dépit de la communication orientée que de la réalité. La réalité aujourd'hui
est que les Béninois vivent mal mais sont abreuvés de concepts anesthésiants
qui rappellent fort malheureusement les slogans de l'ère du PRPB, d'un Bénin où
il fera bon vivre pour chacun et pour tous.
Les
Béninois ne se plaignent pourtant pas comme vous semblez le faire ?
Il est manifeste
que les Béninois vivent mal aujourd'hui. Est-ce qu'on a besoin de le mesurer
autrement ? Les travailleurs, les enfants le savent, et cela dans tous les
secteurs.
Parlons
justement des enfants. Que vous inspirent les récentes mesures prises par le
gouvernement.
Le problème de
l'éducation fait partie des bombes auxquelles nous aurons à faire face. En
réalité les engagements pris ne sont pas respectés. Nous savons tous que pour
atteindre l'éducation pour tous, il faut mettre l'accent sur la formation de
qualité des formateurs, mais aussi sur les infrastructures et sur le contenu
des programmes à enseigner. Ce qui appelle globalement une grande réforme de
l'éducation. L'idéal dans le monde est le droit à l'éducation pour tous. Je
dois louer l'initiative qui consiste à alléger les frais de l'éducation
maternelle et primaire. Mais je dénonce la précipitation avec laquelle cet
ambitieux programme a été annoncé et mis en œuvre dans un contexte
d'impréparation et de précipitation populistes. Les charges d'un tel programme
sont nécessairement récurrentes et doivent s'accroître d'année en année. Et il
est hasardeux de vouloir compter seulement sur les partenaires au développement
pour faire face 'à un tel programme. Lorsque sans savoir où la gestion
planifiée d'une telle gratuité doit nous amener, on nous annonce la gratuité
des soins de santé pour les enfants de zéro à cinq ans on est en droit de poser
la question de savoir s'il est bon de mettre tous les doigts dans une seule
narine et en même temps. Les solutions actuelles ne sont plus dans les
séminaires. La solution immédiate est dans la revalorisation de la fonction
enseignante et la satisfaction des revendications des enseignants. La solution
n'est pas non plus dans le déversement de jeunes bacheliers sous le couvert du
service militaire dans l'encadrement des enfants, mais dans la conception
intelligente d'un plan de recrutement et de formation dans la mesure où les
moyens financiers existent actuellement pour le faire. Le programme du service
militaire est un complot pour désorienter et divertir la jeunesse et pour
assassiner la formation des enfants.
Notre
pays se prépare à faire face aux consultations municipale et communale.
Avez-vous le sentiment que le changement a touché nos communes ?
Il faut avouer
que le président Yayi Boni n'a rien fait qui puisse le démarquer de l'attitude
du régime défunt vis-à-vis de la décentralisation. Au contraire il tente de
mordre à chaque fois sur les domaines réservés aux collectivités locales. Il
est manifeste que dans le domaine de la décentralisation les chefs-lieux ne
sont pas encore fixés, le transfert de compétence n'est pas effectif. Les
préfets continuent de cumuler deux départements. Le Chef de l'Etat continue de
faire des poses de première pierre dans les marchés et d'usurper ainsi le rôle
des maires dans la décentralisation, tout en affichant un grand retard dans
l'organisation des prochaines élections municipales. Le changement a contribué
à arriérer la décentralisation, à la rendre inopérationnelle.
Un lourd
contentieux oppose aujourd'hui l'Etat aux opérateurs GSM. Avez-vous le
sentiment que ce dossier est bien géré par le gouvernement ?
Il faut dire que
le dossier GSM a été très flou dès le départ. Mais il est très mal géré actuellement
par le gouvernement. Il y a absence de réflexion stratégique et de solution de
substitution. «Gouverner c'est prévoir », dit-on. Et gouverner c'est aussi
chercher le bien de la population. Même l'opération qui a consisté à admettre
GobalCom dans le système des Gsm au Bénin va coûter plus cher aux Béninois que
ce que nous voyons aujourd'hui. Prenez un bic et écrivez cela quelque part et
vous verrez. Un proverbe dit que si vous présentez des signes de faiblesse,
vous serez absorbés par les plus forts. Ce n'est pas dans ce contexte où on n'a
pas encore réglé le problème créé par les deux autres sociétés qu'on admet une
autre société. Et cette société a le courage de venir sans avoir su l'issue qui
sera réservée aux deux autres sociétés. En réalité le gouvernement n'a pas
cerné tous les contours de ce dossier extrêmement nébuleux. Ce qui doit retenir
notre attention, c'est que certains qui criaient très fort dans ce dossier au
début commencent par ne plus donner de la voix. Et ces mutations brusques du bruit
en silence doivent inquiéter si elles ne disent pas long sur ce qui nous
attend. Lisez simplement le contrat avec Global Com. Au départ on disait qu'il
faut que les opérateurs paient les 30 milliards.
Mais GlobalCom
n'a payé ni 30 ni 33
milliards. Il va payer d'abord la moitié et le reste sur trois ans et on lui
offre des conditions de facilité que les autres n'ont pas eues. On met des
phrases farfelues, on rattache GlobalCom au schéma de coprospérité, et on donne
60 jours à cette société. Tous les abonnés qui subissent les affres de la
mauvaise gestion de la situation vont attendre encore 60 jours !
L'Etat
n'a-t-il pas raison dans ce dossier ?
Le débat envisagé
de cette manière est faussé. C'est le même Etat qui a signé antérieurement avec
eux. Ce n'est pas parce que le Général Mathieu Kérékou n'est plus là que le
même Etat se métamorphose. Le débat n'est pas là. Le problème est de savoir
quel type de relation l'Etat doit avoir avec les hommes d'affaires. Est-ce que
lorsqu'un conflit intervient entre l'Etat et les hommes d'affaires, on doit les
livrer à la vindicte de la population ?
L'Etat doit respecter les lois, les règles-et les procédures.
Tout Etat qui ne le fait pas ne peut lutter contre quoi que ce soit. Je ne
trouve pas de raison qui puisse permettre à un Etat d'être hors-la-loi. Le
problème se résume à ceci. C'est le même Etat avec ses cadres qui a signé
quelque chose. C'est le même Etat qui trouve que ce qu'on a
fait en son nom n'est pas bien. Cela nécessite alors une négociation, une vue
stratégique et une solution de rechange pour protéger les milliers d'abonnés
béninoise. On peut régler un problème mais il ne faut pas en créer de plus
graves encore. Ce qui manque autour du Chef de l'Etat c'est des gens capables
d'avoir une vue stratégique, la sérénité politique et des solutions de
substitution. Je dirai donc que le dossier GSM est géré d'une manière immature
et grotesque.
C'est la
même chose que vous diriez de l'ouverture du capital de certaines sociétés
publiques ?
Il y a à redire
là-dessus. D'emblée je ne suis pas contre les privatisations. Le monde évolue
aujourd'hui et à l'étape actuelle, nous n'avons pas toutes les compétences
requises pour être compétitifs. Il faut être honnête. Mais on ne privatise pas
tout et n'importe comment. Une bonne politique de privatisation aujourd'hui
pour les petits pays à économie fragile comme le nôtre, doit être conduite en
se référant aux concepts de la préférence nationale, de l'actionnariat
populaire national dans le respect d'un plan social et d'une perspective
économique qui permette d'avoir un regard en ce qui concerne les secteurs
stratégiques. Ma divergence avec l'annonce faite par le Chef de l'Etat est là.
Comment dire qu'il faut privatiser le Port ? C'est comme si on disait à un chef
de famille d'aller privatiser son portail. Si donc aujourd'hui on dit qu'il
faut privatiser le port, c'est un scandale, parce que le port est une
frontière. On ne vend pas une frontière. Deuxièmement, pour des questions
stratégiques, relations commerciales et de diplomatie. Vous savez, Oryx a fait
des investissements énormes au Port. Est-ce que la privation du port concerne
la privatisation d'Oryx ? Est-ce qu'on a déjà défini le type de relation que
peut avoir Oryx avec cette privatisation ? Vous prenez même Maersk Lines qui
amène de nouveaux équipements maintenant. Cela pose problème. Prenez même le
Millenium Challenge Account; qui a un grand volet concernant la réforme
portuaire. On est en pleine réforme, en plein investissement et on dit qu'on va
privatiser. C'est stupide, c'est irréfléchi. Cela ne peut pas se faire. On peut
privatiser des infrastructures. On peut ouvrir l'actionnariat de certaines
infrastructures du port. Mais on ne peut pas dire qu'on privatise le Port ni
l'aéroport.
Aujourd'hui
l'action du Chef de l'Etat dans le domaine économique vise l'émergence à la
manière sud-est asiatique. Comment appréhendez-vous tout ce qui est fait dans
ce cadre ?
Ce qui peut
retenir l'attention, c'est le discours du Chef de l'Etat devant la commission
du MAEP (Mécanisme africain d'évaluation par les pairs). On note le déphasage
manifeste entre la conceptualisation théorique d'une économie émergente et la
réalité d'une gestion contre performante de l'héritage économique de notre
pays. Car en parlant de la pré-émergence de l'économie béninoise, le Chef de
l'Etat n'a indiqué aucun paramètre qui puisse justifier que nous sommes dans la
pré émergence économique. Dans la mesure où en réalité nous vivons une
désorganisation dans la plupart des secteurs stratégiques de l'économie nationale.
Prenons par exemple le coton. Les objectifs de 600 milles tonnes sont loin
d'être atteints. Ce n'est pas avec les pleurs qu'on développe une économie. Le
délestage continue et vous savez toute la littérature qui a cours actuellement
sur le dossier des turbines, encore que des bandeaux noirs sont en train d'être
tirés sur les soupçons de mauvaise gestion dénoncée par le FONAC sur certains
dossiers de
Par
contre la lutte pour l'assainissement de l'économie nationale semble faire de
grands pas notamment avec la lutte contre la corruption. Qu'en dites-vous ?
Les réformes en
matière économique sont nécessaires aujourd'hui. C'est à partir de réformes
sérieuses et efficaces qu'on bâtit les bases une économie moderne. Cela passe
par certains fondamentaux qui doivent toucher nécessairement la qualité de
l’administration, une maîtrise des sources de recettes de l’Etat, une justice
totalement réformée et forte, la rigueur et la discipline au travail qui ne
doivent laisser de place ni à la propagande, ni à du folklore. Mais aujourd’hui,
on note plus de folklore que de sérieux. Et là où les inquiétudes sont grandes,
c’est le folklore dans la lutte contre la corruption et la légèreté dans la
conduite de certains audits.
Certains
comportements doivent laisser perplexe et certaines rumeurs doivent être
clarifiées pour que la lutte contre la corruption ne soit pas une pure
distraction et une occasion de règlement de compte échappant à tout contrôle de
la justice, des règles et procédures en vigueur.
Yayi Boni
donne pourtant l'impression d'une grande détermination à lutter contre la
corruption, détermination qu'il a traduite dans sa marche du 16 juillet
dernier...
Le Chef de l'Etat
veut prendre le même chemin que Gandhi qui dans l'Histoire est une personne qui
a marché, qui a fait une marche noble. Mais la marche du Chef de l'Etat n'est
pas noble. Il a marché avec des gens qui sont désavoués chaque jour pour
corruption. C'est pour la plupart des corrompus qui ont marché avec à leur tête
le Chef de l'Etat. Je veux être sûr que ce ne sont pas des corrompus qui ont
marché avec à leur tête le chef de l'Etat. Je veux être rassuré. Parce que
cette manière de faire n'est pas bonne.
Quelle
est la philosophie qui sous-tend normalement une marche ?
On marche
généralement lorsqu’'on n'a pas les moyens pour corriger quelque chose. Gandhi
a marché parce qu'il voulait l'indépendance de l'Inde. Et il était propre, il
n'était pas corrompu. Il n'avait pas des accointances avec des milieux
suspects. Il n'était pas non plus avec des suspects. Les syndicalistes marchent
généralement pour revendiquer. Le peuple marche pour revendiquer. Or le Chef de
l'Etat a déjà le pouvoir suprême et il marche en ayant à ses côtés des
corrompus. Il n'a plus besoin de marcher pour lutter contre la corruption. Soit
il fait du folklore, soit il a été mal conseillé et il fait de la
dissimulation. J'ai été formé et averti contre le marketing et la publicité.
J'ai une formation qui me dit que tout ce qui est publicitaire n'est pas la
vérité. Et le plus souvent ceux qui font de la publicité ne font rien.
C'est
quand même une marche pour la vertu...
C'est une marche
verte, mais d'abord elle n'est pas verte. Elle est souillée, c'est une marche
noire parce qu'elle est animée par des corrompus ou des gens sur qui pèsent des
soupçons de corruption.
Le Chef de l'Etat
ne peut pas lutter contre la corruption. Sa marche est une distraction contre
la corruption. Si on devait conseiller le Chef de l'Etat, c'est à lui de rester
au Palais, et un ministre dont le département est proche de la moralisation de
la vie publique devrait déclencher l'opération. Les gens marchent et le Chef de
l'Etat réceptionne la marche. Il est alors au-dessus de la mêlée et donne les
orientations en tant que père de la nation.
Et
pourtant le gouvernement procède à l'assainissement en limogeant des
fonctionnaires impliqués dans des actes de corruption.
On ne lutte pas
contre la corruption comme sur un ring de catch ou sur un ring de boxe où on
fait de la violence à l'état pur, où on fait de la grimace et le One man show.
Puisque la corruption est un système qui a pris du temps pour s'installer. Pour
lutter contre ce système il faut prendre appui sur la justice. Un pays
démocratique qui veut lutter contre la corruption doit avoir pour premier
réflexe une réforme de l'appareil judiciaire. Car un pays où les juges sont
matériellement ou moralement faibles, un gouvernement qui rend chaque jour
davantage plus faibles les juges et plus faible l'appareil judiciaire, ne lutte
pas contre la corruption. Tel que le système est, c'est comme si on voulait
terroriser tous les fonctionnaires. Il suffit de continuer dans ce système et
vous aurez du mal à démêler les règlements de compte des vrais actes de
corruption. Nous sommes dans un système qu'on a vu au début de
Vous
semblez dire que le Chef de l'Etat fait une gestion de terreur.
C'est le constat
que je fais malheureusement. Et c'est l'une des facettes les plus décevantes du
changement tel que conduit par le Chef de l'Etat. Je note trois types
opérationnels différents. Premièrement, lorsque le Chef de l'Etat parle de
l'affirmation de l'autorité de l'Etat, deuxièmement lorsque sa garde rapprochée
est directement impliquée dans des blessures et autres pertes de vies humaines
des citoyens dans des conditions effroyables. Troisièmement, lorsque lui-même
inflige des sanctions précipitées, rapides, presque expéditives. Par exemple,
le Chef de l'Etat est allé au Palais des Congrès où il devait présenter un
discours et il y a eu coupure de courant. Sur le coup, sans aucune enquête,
dans la même journée, il a limogé quatre personnes et a pris le soin de laisser
ceux qu'il fallait sanctionner : les services de renseignement. Ce sont les
services de renseignement qui n'ont pas fait leur travail. Si ces services
avaient bien fait leur travail, ils auraient procédé à l'inspection des lieux,
contrôlé les choses, et pris la précaution d'avoir des groupes mobiles pour
pallier instantanément à toute coupure d'électricité. Ces cadres suspendus se
retrouvent dans la terreur, la psychose. Et cette terreur se répand partout
dans l'administration. Je pense que le Chef de l'Etat fait une gestion de
terreur.
Depuis
l'année dernière, Boni Yayi semble avoir fait de l'octroi de micro crédits un
socle de son programme de lutte contre la pauvreté. Qu'en pensez-vous ?
Les microcrédits
n'ont jamais fait sortir qui que ce soit de la pauvreté. C'est une expérience
qui ne sortira pas la majorité des Béninois de la pauvreté. Car le concept de
micro crédit sans être accompagné, soutenu par une opérationnalisation du
concept de microprojet ne peut faire qu'accroître la situation de dépendance
des pauvres et des plus vulnérables. Et cette dépendance est pernicieuse pour
le développement dans la mesure où la politique de micro crédit telle que
pratiquée actuellement laisse beaucoup plus de places au clientélisme politique.
Je crains que l'argent du pays ne soit utilisé par un seul homme pour préparer
sa campagne pour 2011.
On note
cependant une véritable débauche d'énergie sur le plan diplomatique.
L'intérêt du
Bénin ne se situe pas dans combien de fois le Président Boni Yayi a serré la
main aux grands de ce monde. Je me réfère un peu au discours du Président
Sarkozy devant les jeunes sénégalais à l'université Cheikh Anta Diop. Nous
devons prendre nos responsabilités et ne jamais oublier que seul le travail, la
discipline et la rigueur peuvent faire le Bénin émergent. Nous devons aussi
rompre avec des sorties diplomatiques improvisées ou ratées. Il n'y a pas de
diplomatie qui puisse servir le Bénin si nous ne savons pas ce que nous allons
donner aux autres. Aujourd'hui qu'est-ce que notre pays donne aux autres quand
notre président va à l'étranger ? C'est là que nous pouvons savoir si notre
diplomatie est dans l'errance parce que ressemblant beaucoup plus à une diplomatie
touristique et beaucoup moins à une diplomatie qui peut servir le
développement.
- Etes-vous en définitive de l'opposition ou de la
mouvance présidentielle ?
Je suis contre le
changement tel que cela se fait en ce moment. Quel que soit ce que le Chef de l'Etat dit, il nous
amènera au gouffre. Le Bénin ne sera pas émergent sous lui. Lui-même sait qu'il
est en train de faire des slogans et qu'à l'heure où nous parlons, il ne fait
rien qui puisse préparer les bases d'une émergence. Prenons l'exemple du
Singapour que le Chef de l'Etat cite souvent, c'est depuis 1972 que les
premières réformes qui ont abouti au Singapour d'aujourd'hui ont commencé. J'ai
entendu le Chef de l'Etat dans le discours qu'il a présenté devant
Vous êtes
très sévère...
Lorsqu'un
gouvernement gère en regardant les élections, il gère mal. C'est ce qui fait
qu'il mord dans tout : gratuité de la santé, de l'enseignement...C'est ce qui
fait que le ministre Ganiou Soglo a manqué totalement de scrupule en
déclenchant la campagne électorale de 2011.
Honorable,
à la lumière des débats à l'Assemblée, sentez-vous que l'actuelle législature
est proche de la population afin de parer au désastre que vous semblez prédire
?
D'abord le rôle
d'un parlement n'est pas d'être la cinquième colonne d'un gouvernement. Je
pense que le rôle essentiel du Parlement est d'être le représentant du peuple.
Cela pose la question même de ce qu'est le politique dans la conduite d'une
nation. Dans notre système démocratique, nous avons une constitution qui a
consacré le régime présidentiel, et l'exécutif est la structure de l'Etat qui
agit. Le Parlement est la structure de l'Etat qui contrôle, qui accepte ou qui
refuse. Donc, si nous avons un Parlement nous devons souhaiter que ce Parlement
accepte ou refuse, c'est-à-dire qu'il apprécie conformément à la volonté du
peuple.
Et
maintenant que se passe-t-il au Parlement béninois selon vous ?
Si nous voyons
dans quelle condition la structure dirigeante du parlement a été mise en place,
nous pouvons avoir des réserves sur la capacité même de certains acteurs
majoritaires au Parlement à aller dans le sens de ce que souhaite le peuple.
C'est pour cela que je dis que le rôle d'un Parlement n'est pas d'être dans la
colonne supplétive du gouvernement. Cela doit être une colonne qui pousse dans
le sens de la vérité, de la critique constructive, qui amène à plus de
développement à plus de clarté dans l'action. -Je pense que ce Parlement, au
regard des conditions politiques de mise en place de sa majorité peut avoir des
difficultés à jouer ce rôle. Mais il faut être fier, il faut être heureux que
dans ce parlement, il existe des pôles sur lesquels nous pouvons avoir
confiance pour atteindre cet idéal. Il y a donc un ferment qui est là et sur
lequel on peut compter pour corriger le tir.
Lorsqu'un
Président de l'Assemblée nationale, dans la conduite d'un débat, passe outre
une question préjudicielle, et fait voter la loi en s'appuyant sur la majorité
mécanique, ce n'est pas bon. Dans le cas par exemple de la loi sur le service
militaire, on a vu la nature et les limites du président Nago Mathurin ainsi
que les limites de la majorité parlementaire qui est là. A la question
préjudicielle brillamment posée par Me Houngbédji, il ne devait pas bouger, il
devait reculer. Mais il a foncé tête baissée comme dans un cirque de
tauromachie. Lorsque le Président de l'Assemblée dit qu'ils ont voté seize lois
dont douze autorisations de ratification, je dis que le dynamisme législatif
n'est pas dans le vote expéditif des lois d'autorisation de ratification. Mais
plutôt dans sa capacité à faire preuve d'initiative et d'adoption de lois qui
poussent vers plus de bien-être social. Le Parlement ne peut pas être qu'un
Parlement d'autorisation de ratification.
Le Chef
de l'Etat a demandé par lettre au Président de l'Assemblée de faire mettre deux
de ses collègues à la disposition de l'IGE et de l'IGF. Qu'en dites-vous ?
Le changement est
dans une phase de gaspillage des ressources du pays... C'est du copinage, c'est
des négociations. Le Président de l'Assemblée pense que le Chef de l'Etat
demande aux députés d'accepter d'aller se faire écouter par les structures de
contrôle de l'Etat, l'IGF et l'IGE. Comment peut-on négocier pour amener ces
députés ? Quelles en sont les clauses ?
Pensez-vous
que Boni Yayi pouvait faire autre chose ?
Nul ne peut se
prévaloir de sa propre turpitude. Lorsque vous entrez dans un couvent, il ne faut
pas en sortir pour dénoncer ce qui s'y passe. Le Chef de l'Etat ne peut pas
dire qu'il ne connaissait pas Célestine Adjanohoun, ni da Matha. Avant d'être
Président de
Comment
vous préparez-vous pour les municipales ?
Nous irons aux
municipales et aux communales. Mon parti sera présent. Mais la question de ma
candidature personnelle sera discutée plus tard. J'apprends que les prochaines
élections auront lieu en janvier. Pourquoi ? Normalement c'est en Décembre
qu'on devrait avoir les élections. La loi actuelle est encore là. Si nous avons
fait les autres élections les 15 et 29 Décembre et qu'on programme les
prochaines élections en Janvier, nous constatons qu'on devrait faire ces
élections en Décembre. En ne le faisant pas, est-ce qu'il n'y a pas des risques
sur la suite. Une démocratie n'est mesurée que par l'organisation régulière et
à bonne date des élections.
Mais le
Chef de l'Etat est proche de son peuple. Il mange avec les Zémidjans, rentre
dans les eaux d'inondation pour compatir à la douleur des sinistrés...
C'est du déjà vu.
Je suis contre l'humilité hypocrite. Puisque c'est de cela qu'il s'agit. Je
suis rentré dans l'eau avec le président Soglo ici au moment où Dassigli était
Préfet. Boni Yayi était à
Votre mot
de fin
Le changement est
naturel, tout change. Comment changer ? C'est le problème sur lequel je ne suis
pas d'accord avec le Chef de l'Etat et son entourage. Dans le dossier de la
lutte contre la corruption, je pense qu'il y a plus de corrompus cachés que de
dénoncés. S'il faut conduire à terme le changement, il faut plus de retenue,
plus de sérénité dans la gestion des dossiers, surtout les dossiers
économiques.
Réalisé
par L'événement Précis, Le Béninois Libéré, Le Matin, Fraternité
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