Si Boni Yayi interrogeait
l’histoire, on n'en serait pas là aujourd'hui !
23 octobre 2007 - Après
les déclarations faites dimanche dernier par le président de l’Observatoire de
lutte contre la corruption, M. Jean-Baptiste Elias sur Golfe TV par
rapport à la procédure qui a conduit à la cession de l’outil industriel de la Sonapra, les regards sont
désormais tournés vers le Chef de l’Etat, le Dr Boni Yayi. Nombreux sont en
effet les Béninois qui s’interrogent sur comment le Chef de l’Etat pourra
sortir du bourbier dans lequel l’ont plongé ses collaborateurs, lui qui a placé
son mandat sous le sceau de la transparence et de la bonne gouvernance.
L’évidence est désormais établie. L’argent de la Sonapra va servir à
acheter la Sonapra. L’exploit
réalisé par les repreneurs sous le président Nicéphore Soglo va donc se
répéter, du moins si rien n’est fait. A l’allure où vont désormais les choses,
une seule solution s’offre au Chef de l’Etat, le Dr Boni Yayi dans le dossier
relatif à la cession de l’outil industriel de la Sonapra. Il ne lui
reste en effet qu’à écouter son tribunal intérieur. En tant que banquier du
développement, il lui revient en effet de reprendre en main tout le dossier
afin de se mettre à l’abri de toute déconvenue qui entacherait sa crédibilité.
Il a déjà fait un grand pas en remettant en cause la procédure qui a conduit à
la création de la Sodéco.
Il ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. Il faut qu’il
poursuive les investigations et remonte, même plusieurs années en arrière s’il
le faut pour mieux comprendre le dossier de privatisation de l’outil industriel
de la Sonapra. L’Etat
est une continuité. Et selon ce principe, il lui revient de revisiter les
documents dont il a hérité de son prédécesseur au sujet de la privatisation de
l’outil industriel de la
Sonapra. Le Président Mathieu Kérékou qui avait tenté de
privatiser la Sonapra
y a renoncé avant de quitter le pouvoir. Il a certainement réfléchi et a
compris le jeu des cadres qui l’entouraient. Sachant bien qu’il allait quitter
le pouvoir, le président Mathieu Kérékou aurait pu laisser le bon sens de côté
et privatiser la Sonapra. S’il
ne l’avait pas fait alors qu’il n’avait rien à perdre et rien à gagner, c’est
certainement en connaissance de cause. Et il ne s’est pas du tout trompé. Dans
une communication orale introduite en conseil des ministres, le Chef de l’Etat,
le Général Mathieu Kérékou avait émis des doutes sur ceux qui devraient
reprendre l’outil industriel de la Sonapra. Et c’est à juste titre qu’il a commis
l’expert-comptable Ousmane Djamiou aux fins d’évaluer les préjudices financiers
causés à la Sonapra
par sa participation intégrale à la création, à la construction et la mise en
exploitation effective des usines privées d’égrenage Socobe, Ccb et Icb. En son
temps, c’est environ 30 milliards de F Cfa qui ont été mobilisés par la Sonapra au profit de ces
trois sociétés pour la création, la construction et la mise en exploitation
d’usines appartenant auxdites sociétés privées à concurrence de 25 milliards de
F Cfa décaissés effectivement et 5 milliards de F Cfa d’engagements et de
cautions donnés. « Si la
Sonapra avait investi les ressources mobilisées (environ 30
milliards de F Cfa) en créant ses propres usines, elle aurait augmenté sa
capacité d’égrenage de 75.000 tonnes », indique le rapport de
l’Expert-Comptable. A titre indicatif, poursuit le rapport, la rentabilité
financière de la Sonapra
s’élèverait à 27 milliards de F Cfa pour les 30 milliards F Cfa mobilisés et
investis. Un tel revenu renforcerait donc ses capacités financières. Et depuis
1995 que l’opération a été menée, les investissements auraient apporté à la Sonapra plus de 135
milliards de F Cfa au moins, si le niveau de rentabilité était maintenu pendant
la même période. Mais hélas ! Des gens se sont fait leur beurre sur le dos
de la Sonapra
et ont, à un moment donné, dit de cette société qu’elle n’est pas rentable.
Malheureusement, ce sont ces mêmes personnes qui sont aujourd’hui prêtes à
l’acheter.
D’importantes
recommandations
Ce qui
est important de retenir, ce sont les recommandations faites par
l’Expert-Comptable au gouvernement Mathieu Kérékou. Au regard des préjudices
financiers significatifs causés à la
Sonapra par sa participation intégrale à la création, à la
construction et à la mise en exploitation des trois usines privées d’égrenage
de Socobe, Ccb et Icb se détaillant comme suit : du fait du contrat
d’égrenage à façon 7.552.000.000
F Cfa, du fait des engagements financiers directs
(décaissements) 25.000.000.000
F Cfa, du fait d’engagements financiers indirects (
cautions bancaires et garanties) 5.000.000.000 F
Cfa, du fait de la renonciation à des dividendes sur des sociétés rentables
pour un montant de 1.500.000.000
F Cfa, du fait de la mise à disposition du groupe Ica de
trois usines Socobé Ccb et Icb par la Sonapra grâce aux efforts financiers indiqués, un
manque à gagner estimé à 172.000.000.000 F Cfa au regard du taux de
rentabilité propre de la
Sonapra, il est instamment requis de proposer au gouvernement
dans les meilleurs délais, une stratégie devant permettre à l’Etat d’engager
des actions susceptibles d’aboutir à un dédommagement de ses préjudices et de
rétablir la Sonapra
dans ses droits ( renonciation à des dividendes, réduction de sa participation
au capital social des trois sociétés à la valeur nominale, plutôt qu’à la
valeur réelle des titres desdites sociétés de 35 % à 10 % et rémunération des
préfinancements. Du fait du caractère hautement léonin de certaines clauses des
contrats et conventions, du fait de la prise d’engagement par la Direction générale de la Sonapra sans
l’autorisation préalable de son Conseil d’administration avec des sociétés
juridiquement inexistantes ; du fait des décaissements significatifs pour
la création, la construction et la mise en exploitation des usines privées
d’égrenage Socobé, Ccb et Icb, sans en référer au Conseil d’administration et
au conseil des ministres alors même que la Sonapra était jugée incapable d’accroître ses
capacités de production par les autorités de l’époque (Cf Communication du
ministre du développement rural en conseil des ministres en 1994 ; les
ministres de la justice et du développement rural d’alors étaient instruits
d’engager des actions judiciaires susceptibles d’établir les responsabilités
délictuelles et civiles de toutes les personnes ayant été impliquées tant au
niveau de l’Etat, de la
Sonapra, des Banques qu’au niveau des opérateurs privés
impliqués dans ce dossier de Socobe, Ccb et Icb.
Le
fruit des actions judiciaires
Déférant
aux recommandations de l’Expert-Comptable Ousmane Djamiou, le gouvernement du
Général Mathieu Kérékou a engagé des actions judiciaires contre tous ceux qui
avaient été impliqués dans le dossier. Dans son réquisitoire, le Procureur
général près la Cour
d’appel de Cotonou a indiqué qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance de non-lieu
querellée en toutes ses dispositions et d’ordonner un complément d’information
visant : à inculper M. Michel Dassi de détournement de deniers
publics, à inculper le nommé Mouhamadou Mama Seydou, président du Conseil
d’administration de la Sonapra
et tous les membres dudit conseil d’administration du chef de complicité de
détournement de deniers publics, complicité de recel de détournement de deniers
publics et abus de pouvoir, à inculper les sieurs Patrice Talon, président du
Conseil d’administration de la Ccb,
Eustache Kotingan, président du Conseil d’administration de l’Icb, Serge
Dagnon, président du Conseil d’administration de Socobé du chef de recel de
détournement de deniers et recel de pouvoir, à ordonner la production du
rapport élaboré et produit au gouvernement par l’Expert-Comptable indépendant
Ousmane Djamiou, commettre pour procéder à ces actes d’instruction le juge du
3è cabinet d’instruction de Cotonou, ordonner subséquemment une expertise
immobilière des usines Ccb, Icb et Socobe à l’effet d’en déterminer la valeur
et de fixer le préjudice réellement subi par l’Etat béninois à travers la Sonapra, dire qu’à cette
fin, l’expert pourra recourir aux compétences de tous sachants pour
l’accomplissement de sa mission. Voilà qui replonge donc le commun des Béninois
dans le passé sulfureux de la privatisation de la Sonapra. Au regard de
tout ce qui précède, on se demande si le Chef de l’Etat doit continuer par
protéger ceux que d’aucuns appellent ses amis. Certainement que non. Car il
sera responsable devant l’histoire.
Le
courage de tout reprendre à zéro
L’appel
lancé en direction du Chef de l’Etat par le président de l’Olc a semblé
recevoir un écho favorable. Depuis hier 22 octobre 2007, les membres du
gouvernement réunis en conseil des ministres ont décidé d’abroger le décret
N° 2007-462 du 12 octobre 2007 portant création de la Société pour le
Développement du Coton (SODECO) et approbation de ses statuts. C’est donc un
pas qui vient d’être franchi. Pour les uns et les autres, le Chef de l’Etat
peut mieux faire en allant au-delà de cette décision rendue qui consacre la
victoire de ceux qui ont estimé jusque-là que le processus de privatisation de
l’outil industriel de la
Sonapra est parsemé d’irrégularités. Toutes choses que les
travailleurs avaient dénoncées à plusieurs reprises à leur corps défendant.
Boni Yayi doit avoir le courage de tout reprendre à zéro. Ce faisant, il rendra
justice à la Nation
et collera à sa vision pour toujours.
Affissou
Anonrin