"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Un agrégat de mensonges

 
Comme on pouvait s’y attendre, le message du Président béninois sur l’Etat de la nation n’a pratiquement rien eu de spécial. Sans surprise, Yayi Boni a fait, comme à son habitude, l’apologie de son gouvernement et s’est livré à un discours-fleuve creux, teinté de contre-vérités, de gros mots et d’effets d’annonce. Un discours complètement en déphasage avec la réalité et qui démontre avec beaucoup de facilité et d’aisance que tout baigne au Bénin.

Yayi Boni n’aurait jamais dû prononcer l’expression «gouvernance concertée». Pourtant, le concept est apparu plus d’une fois dans son discours comme si la gouvernance au Bénin était faite de manière concertée. Le Président de la République est le seul qui décide de tout au Bénin mais face aux représentants du peuple, il n’a pu le reconnaître publiquement. Yayi Boni a inventé le concept pour détourner l’attention des Béninois sur le réel pouvoir qu’il exerce au sommet de l’Etat béninois. Très clairement, le Président a menti au peuple d’autant qu’en son for intérieur, il sait qu’il ne partage pas son pouvoir qui, évidemment, lui a été conféré par Dieu. La gouvernance concertée dont il parle est aussi une provocation et une insulte aux institutions démocratiques (la HAAC, la Cour constitutionnelle, l’Assemblée nationale…), aux anciens Présidents de la République, à la société civile et à la classe politique opposante. De quel succès veut-il nous parler lorsqu’il s’égaye du «dénouement heureux» dans l’affaire des GSM ? Peut-on parler de succès dans un pays coupé du monde pendant des mois pour la seule décision arbitraire du Président de la République ? La «gouvernance concertée» comme la couverture radiophonique et télévisuelle intégrale de l’ORTB au Bénin ne sont que du pipeau et tout le monde le sait sauf Yayi Boni et son entourage. Le N° 1 béninois peut aujourd’hui se réjouir que «Le Gouvernement s’est employé à assainir le secteur des télécommunications et des GSM pour en faire un secteur compétitif et pourvoyeur de ressources financières» en passant sous silence, les préjudices moral et financier causés aux Béninois par le litige qu’il a entretenu avec les opérateurs de GSM. Le Président de la République nous a aussi informé que « Au plan de l’assainissement du cadre macroéconomique et du maintien de sa stabilité, l’assainissement budgétaire s’est poursuivi. Les mesures prises, notamment pour améliorer la gestion des finances publiques, ont permis d’accroître les réalisations de l’Administration financière de 23%. » Pure invention présidentielle, d’autant que personne ne sait d’où le Président tient ses chiffres. Quelle est aujourd’hui l’institution démocratique qui peut fournir des chiffres incontestés et incontestables sur la politique économique du Bénin ? Quand on sait à quel point le gouvernement investit dans la communication, on peut simplement comprendre que la manipulation des chiffres n’est que l’une des règles du jeu. Comment un Président qui a fait campagne sur le thème de la croissance à deux chiffres, peut-il se réjouir aussi ouvertement du « dynamisme » économique d’un pays aussi pauvre que le Bénin en affirmant sans ambages que «la croissance économique s’est consolidée en 2007, avec un taux de croissance réel du produit intérieur brut estimé à 5,3%, contre 3,8% en 2006 et 2,9 % en 2005» ? Heureusement que le ridicule ne tue pas au Bénin.
En abordant la question essentielle qu’est la culture, Yayi Boni a simplement laissé entendre que « le Gouvernement vient d’organiser un Forum national sur la culture en vue de l’adoption d’un document consensuel, désormais boussole de notre conscience collective.» De gros mots, que personne n’a compris. Ce monsieur qui ne jure habituellement que par Dieu, se fout fondamentalement de la culture béninoise faite selon les idées reçues, d’idolâtries, de symboles, de meurtres et de vodun. Tout le monde sait aujourd’hui que le Programme de micro crédits aux plus pauvres ne se fait qu’à la tête du client. Mais cet échec lamentable, Yayi Boni en fait un succès à la face du monde car s’enorgueillit-il, «Plus de dix (10) milliards de francs CFA ont été mobilisés en faveur des couches les plus démunies de la population, avec une réelle satisfaction exprimée par les bénéficiaires que j’ai pu rencontrer sur toute l’étendue du territoire national». Apparemment, le Président n’a cherché à rencontrer que les bénéficiaires du programme ; les autres, il s’en fout. La hausse irrémédiable de prix des produits de première nécessité au Bénin n’a fait que «préoccuper» le gouvernement de Yayi Boni manifestement impuissant. La question de l’insécurité n’est nulle part apparue dans le discours du Président simplement parce qu’il n’y a pu rien faire depuis qu’il dirige le Bénin alors que les crimes et les délits de tout genre se multiplient impunément tous les jours dans le pays. Finalement, s’il est à noter un satisfécit notable dans le discours du Président béninois, c’est seulement le fait que cette fois-ci, il a réussi à épargner les Béninois de sa foi en Dieu. Pour les mordus de Yayi Boni (ou les victimes du yayisme), ce discours est bien bourré d’effets d’annonce comme ils en raffolent. Il y a tout pour plaire, tout pour séduire, tout pour faire rêver pendant les trois années à venir.

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