"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Un Président attrape-tout

 29 oct. 2007

On ne sait plus exactement au Bénin le rôle que joue le Président de la République. Yayi Boni gouverne, nomme, insuffle, oriente, coordonne, ordonne, décide, impose, accepte, refuse, enferme, libère… Il intervient sur tout et est présent sur tous les fronts. Une vraie calamité au sommet de l’Etat béninois !

Yayi Boni n’arrête pas de surprendre les Béninois. Il fait tout pour faire parler de lui en tout temps. Les innombrables conseillers du Président béninois croient peut-être lui rendre service mais de par leurs stratégies, ils le poussent dangereusement vers l’abîme. Devons-nous croire que nous avons élu un plaisantin qui ignore tout du rôle dévolu à la fonction de Chef de l’Etat ? Il y a quelques jours, les avocats béninois ont tapé du poing sur la table en dénonçant l’immixtion du gouvernement dans le judiciaire. Ainsi, dans une décision arbitraire et unilatérale, le Président a décidé de suspendre l’exécution des arrêts de justice portant sur des démolitions et déguerpissement relatifs aux litiges domaniaux en milieu urbain. Mais, pour les avocats béninois, cette décision prise par le tout-puissant Président, est une atteinte caractérisée à la séparation des pouvoirs. Visiblement, Yayi Boni n’a que faire de la démocratie. Pour lui, un Président élu par la plus grande majorité des Béninois doit pouvoir faire tout ce qu’il veut et comme il le veut. On savait depuis très longtemps que lorsqu’il veut même procéder à une simple cérémonie de lancement de travaux routiers, notre Président ne se gêne pas pour rassembler tous les diplomates en poste, les personnalités politiques, les leaders d’opinion ainsi que tous les responsables à divers niveaux dans le pays pour s’exhiber en grand maître de cérémonie. Le spectacle dure généralement quatre grosses heures et le paradoxe c’est qu’il prétend faire de son quinquennat, le combat contre les folklores et les pertes de temps… Que veut un Président de la République qui organise spontanément une visite inopinée sur des chantiers de constructions de salles de classes à Porto-Novo ? Rien d’autre que de vendre aux Béninois, l’image tronquée d’un Président travailleur et proche des Béninois. Yayi Boni est en réalité, un Président qui semble tout attraper et qui en réalité n’attrape rien. C’est un narcissique qui agit en trompe-l’œil, qui déteste le partage du pouvoir et qui digère mal la contradiction. Il ne travaille qu’à créer sa propre image. C’est la raison pour laquelle, tous les médias qui ne lui lèchent pas les bottes (et Dieu sait qu’il n’en existe presque pas !) sont très vite diabolisés et voués aux gémonies. Yayi Boni est le seul qui décide de tout dans le pays de façon péremptoire. S’il n’a pas encore signé le décret d’application de la loi portant statut de l'opposition, c’est qu’il a foncièrement horreur des critiques. Les lancements en grande pompe de travaux routiers, les ouvertures de séminaires inutiles, le flou créé dans le dossier de la SONAPRA, les multiplications de visites inopinées et irrespectueuses, les interpellations zélées de policiers, de journalistes, de responsables d’entreprises et autres ainsi que les limogeages abusifs tous azimuts enregistrés depuis avril 2006 sont bel et bien l’œuvre maladroite, brutale et inintelligente d’un Président-omnipotent.

Un démocrate… «débonnaire»

Yayi Boni déconne beaucoup trop mais personne ne peut le regarder dans les yeux et lui dire les quatre vérités parce qu’il joue constamment sur la menace et l’intimidation. Tout le monde a donc peur de lui. Les Béninois ne l’ont pas élu pour inaugurer les chrysanthèmes mais c’est malheureusement ce qu’il fait toutes les semaines. On a besoin d’un Chef d’Etat responsable qui gouverne, qui respecte et qui fait confiance à des collaborateurs à qui il a délégué des pouvoirs. Mais dans un pays où il n’y a que le chef de l’Etat qui fait l’actualité, les journalistes n’ont généralement aucune culture d’investigation et ne savent donc pas chercher loin : ils sont toujours bêtement à l’affût du moindre mouvement du Président pour en faire la une de leur journal. Yayi Boni profite alors logiquement de l’amateurisme des journalistes béninois pour s’offrir sans gloire l’image d’un démocrate «débonnaire». Tous les Béninois savent que s’il n’avait pas financièrement la mainmise sur les médias, il serait déjà cuit politiquement. Sa nouvelle trouvaille médiatique est de se faire filmer en balayant les rues de Cotonou. En réalité, c’est que Yayi Boni et son gouvernement ont fui leurs responsabilités en matière de politique de salubrité des grandes villes du pays. Aujourd’hui, le Président a institué une campagne nationale de salubrité publique et a obligé les Béninois, comme à l’époque du PRPB (Parti de la Révolution Populaire du Bénin), à jouer le rôle de l’Etat et de la municipalité. Cette décision n’est ni plus ni moins que de la propagande déguisée. Elle est indigne d’un Chef d’Etat «moderne» qu’on croit avoir le souci de changer le cours des choses. Quand on a la volonté d’innover comme il essaie de le montrer, on n’innove pas en chassant sur le terrain d’une révolution qui a failli sur toute la ligne et dont la politique de salubrité s’apparentait plus à une campagne de torture qu’à autre chose. L’idéal serait tout au moins, d’arrêter l’organisation hebdomadaire de séminaires vides et ridicules à coup de millions de francs CFA. Cette somme assez colossale peut bien servir à faire des campagnes publicitaires de sensibilisation à la propreté des villes, à acheter des camions bennes et à créer des centaines d’emplois pour répondre à ce besoin urgent et environnemental. Dans tous les pays qui se respectent, ce ne sont pas les populations qui balaient les rues. On n’a pas besoin d’être très créatif pour le savoir et pour le comprendre. Si Yayi Boni croit rendre service aux Béninois en instituant cette campagne, il se trompe éperdument. A l’heure où même les boulangers menacent d’aller en grève dans le pays, aucun Béninois n’est dupe pour ne pas lire dans le comportement arrogant de Yayi Boni, l’hypocrisie et l’ego démesuré d’un Président hyper médiatisé qui passe par tous les subterfuges inacceptables pour brouiller la difficile réalité quotidienne existante.

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