Douane Port :
Le retour du néocolonialisme ?
12 octobre 2007 – La Presse du Jour - La
théorie macroéconomique voit l’entreprise comme le point de rencontre parfaite
entre une courbe d’offre et une courbe de demande. La théorie microéconomique
voit l’entreprise comme le point maximum de rendement d’un capital investi.
Tout ceci est bien abstrait et pas forcément innocent. Les managers sont aussi
des hommes, travaillent avec et pour des êtres humains. Tous ont des intérêts
pas forcément convergents. Tous ont une éthique, ensemble d’attitudes et de
comportements dont il est souhaitable de tenir compte. En tant qu’êtres
humains, les dirigeants sont tout naturellement responsables, au civil et au
pénal, de leurs actes.
Même lorsqu’ils ne sont pas traduits ou susceptibles
d’être traduits en justice, ils doivent prendre conscience que leurs décisions
ont le plus souvent un lourd impact sur leur environnement. Le Ministre en
charge du Budget a pris un arrêté investissant Monsieur Didier Conin d’une
mission de lutte contre la fraude à la Recette des Douanes de Cotonou-Port avec ordre de
permettre à ce dernier l’accès à toute information dont il aura besoin dans
l’exercice de ses fonctions, et une carte blanche pour entreprendre toutes les
diligences qu’il jugera nécessaires pour effectuer ses travaux. Les syndicats
de la douane contestent cette nomination, au motif qu’il s’agit du
néocolonianisme, d’une violation de leur statut, pire, que l’intéressé, un
expatrié, (contrôle de test d’Adn pas nécessaire) est venu au pays pour donner
des conseils et non pour des misions d’exécution. Je suis bien embarrassé pour
prendre une position tranchée. En agissant ainsi, le Ministre en charge du
Budget se met, comme le chef du gouvernement, dans la théorie microéconomique
de l’entreprise. Il faut faire remarquer, un texte s’analyse dans son contexte
comme aime bien à le dire l’ancien professeur de Droit constitutionnel, feu
Jean Baptiste Kuassi Monkotan. Le contexte permet de comprendre l’état d’âme de
la décision. C’est une décision qui est intervenue au lendemain de la
découverte d’une fraude institutionnelle de faux et d’usage de faux en
déclaration douanière à la recette des douanes Cotonou- Port. Au terme d’un
rapport de l’Inspection Générale de l’Etat, des Hauts gardés étaient au cœur de
ce système de fraude. Je parle de système, donc d’une institution qui emploie
de ’valeureux cadres’ à l’accomplissement de ce business au détriment de
l’Etat. Au risque de choquer, je poursuis mon regard. Au nom du statut auquel
font allusion les syndicats de la douane, les responsables à choisir pour la
structure font partie des Colonels les plus anciens dont il faudra bien gager
de démontrer la sainteté. Pour un régime qui voudrait atteindre des objectifs
plus vite et plus loin, il n’a pas à se mettre dans la gueule d’un système qui
le broiera. Il convient d’en déduire que la décision querellée est l’expression
d’une crise de confiance manifeste entre l’Etat et ses agents. Et les
syndicalistes (Madame Egounlety et Marcellin Ahonoukoun) n’ont pas autre argument
que de s’enfermer dans la tour des textes qui les rendent incontournables à
faire occuper les postes juteux ou stratégiques par les douaniers ….. Soit.
Mais un Etat, c’est le droit, ce sont les textes. On ne peut ouvrir une telle
brèche au Président de la
République de disposer de l’administration au mépris de ses
fondamentaux. Voilà pourquoi il convient d’accorder une attention particulière
aux revendications des syndicalistes. Il y a lieu de rapporter la décision pour
trois raisons politiques et de droit. Primo. Monsieur Didier Conin n’est pas un
fonctionnaire de l’Etat et donc ne peut se retrouver subitement à ce poste de
commandement. Secundo. Il ne sera pas efficient parce qu’il lui faut des
collaborateurs, et, apparemment, il n’aura que des poseurs de banane s’il tient
à rester à son poste Tertio. Sa nomination est une négation de la souveraineté
et un affaiblissement de la crédibilité internationale du pays qui apparaîtra
comme un pays incapable de faire confiance à ses cadres, fussent-ils pourris
mais bien enclins à financer la campagne du premier magistrat. Pour cette
considération, il faut rapporter la décision et imaginer autre solution qui ne
montre plus les limites managériales du ministre en Charge du Budget.
Herbert
Houngnibo