Du gouvernement à la HAAC
Moralisateur accusé
4 février
Arimi CHOUBADE
Surpris en flagrant délit de violation de l'article 3 de la loi sur la démonopolisation de l'espace audiovisuel. Pour une fois une réaction du gouvernement du changement déclenche l'applaudimètre chez les écrivaillons. À travers la dénonciation de l'opération d'attribution des fréquences de radiodiffusion et de télévision à des promoteurs privés par la Haute autorité de l'audiovisuelle et de la communication (Haac). Un retentissant ratage, vu du ministère de la Communication.
Au cours de la même semaine, les conseillers de la Haac sont passés de la posture de moralisateur à celle d'accusé. Appelée à se prononcer sur un fait précis c'est-à-dire la sortie calamiteuse du porte-parole du chef de l'Etat, l'autorité de régulation des médias s'est curieusement lancée dans une diatribe anti-journalistes. La déclaration « intimidante et déplacée » aurait induite par les violations déontologiques répétées par les animateurs de médias. La manœuvre aura intrigué de nombreux béninois.
L'opération de séduction aura-t-elle manqué sa cible ? Le ministre Adadja, lui, semble attendre la réponse à son avis technique défavorable sur l'opportunité d'augmenter le nombre de radio et de télévision en date d'août 2007 qu'une opération de charme. Sa menace de saisine imminente de la Cour constitutionnelle et son adresse directe aux promoteurs acquéreurs de licences à surseoir à toute exploitation se passent de commentaire. Le désordre a assez duré ! Un véritable canular pour les bénéficiaires des nouvelles fréquences.
De l'avis du ministre Adadja, la Haac seule a pris la responsabilité du bras de fer, en choisissant délibérément d'ignorer les avis techniques. Une conséquence de la politisation d'une structure qui demeure une excentricité béninoise. Nulle part ailleurs la régulation de la communication n'a été érigée en institution politique. Le Csa en France est juste une instance en appendice au pouvoir exécutif. Le processus de désignation de ses membres n'obéit pas à la même trajectoire politicienne qu'au Bénin. Sur les 9 conseillers, à peine le tiers peut revendiquer d'une certaine compétence dans le domaine des médias et de la communication. Le gros de la troupe résulte des combines parlement-gouvernement.
Cela justifie les influences et les déformations que subit l'institution. L'actuelle mandature n'a pu échapper à la présence des magistrats en son sein. La régulation prend de plus en plus la pente d'une judiciarisation tous azimuts. Solennité, instruction exclusivement à charge, comparution publique, sentence, le collège des officiants. Il ne manque que l'accoutrement. L'Observatoire de la déontologie et de l'éthique dans les médias (Odem) s'en trouve littéralement vidée de sa substance. Les « juges » de la Haac occupent toute l'espace du redressement de tort au détriment de la régulation et de l'arbitrage.
Le gouvernement est conscient que le pouvoir ne s'use que lorsqu'on ne s'en sert pas. Magistrats, députés (G13), syndicats se sont émus des atteintes à la liberté de presse à contrario du mutisme des conseillers à la Haac. Ajouté au profil bas de cette même Haac dans la gestion des nominations dans les organes de presse du service public. On comprend que le ministre de la Communication soit très à l'aise à leur renvoyer la copie des attributions de fréquence sans état d'âme.
L'arroseur arrosé !