"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Editorial de l'abbé

 L’avantage de l’échec

En démocratie, les débats évités refont souvent surface. Voici que l’actualité politique et sociale béninoise en regorge… Mais avant d’aller plus loin, faudrait-il peut-être prouver d’abord que la démocratie béninoise évite le débat. Pour ce faire, qu’il suffise de rappeler que depuis la Conférence nationale, le sursaut de survie nationale a inscrit dans la politique béninoise la tendance à préférer le «consensus national» à la confrontation. Et même si le mot «débat» est souvent usité, notre communauté politique ne s’est pas vraiment astreinte à apprendre cet exercice qui, depuis Athènes, requiert de toute démocratie un apprentissage sans fin. Or, depuis 2006, l’équipe au pouvoir met beaucoup de soins à éviter, non plus seulement la réalité, mais le concept même de débat. On n’entend parler que de dialogue, de concertation, de gouvernance concertée. Plus qu’un simple jeu sémantique ou lexicographique, la réalité est là. La rencontre des idées contradictoires et l’effort de persuasion sur la base d’arguments publics n’en ont que davantage déserté le forum au profit de paralysants blocages politiques. Autant de nœuds gordiens sur lesquels jouent cyniquement les politiciens de tous bords, croyant pouvoir tirer du feu leurs marrons individualistes et opportunistes. Du coup, une démocratie qui se promet enfin de nourrir son peuple se retrouve empêtrée dans des impasses politiques d’un pas en avant et de plus de deux en arrière, dans un monde où la faim et la cherté de la vie puniront sévèrement les pays qui se jouent de leur destin. A ce jeu, qu’importe celui qui a raison, si notre destin politique et économique est communément menacé ?

La politique de la peur du débat a échoué. Et il faut tirer avantage de cet échec. Les subterfuges populistes, les envolées verbales, les gymnastiques électorales et autres dramatisations médiatiques concoctés pour éviter les débats ont échoué. Ils ont au moins l’avantage de nous montrer que, dans ce scénario, les pouvoirs personnels, le clientélisme et les regroupements ethniques prennent dangereusement le pas sur la force des idées et l’épurement que leur impose le débat. A l’heure où en est le Bénin, il ne s’agit plus seulement de dire ce qu’il faut faire autrement pour nous en sortir. Qui nous diront comment nous pouvons débattre des solutions, de manière fructueuse, sans verser ni dans des supputations oiseuses, ni dans des concertations cosmétiques, ni dans des confrontations destructrices ? Qui nous diront ? Ceux qu’on devrait appeler politiciens.

Abbé André S. Quenum



30/06/2008
3 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 1364 autres membres