"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

FAUTE DE COURANT ELECTRIQUE,

ON POURRAIT SE CONTENTER DE COUPS DE TRIQUE AUX RESPONSABLES DU DELESTAGE

Qu’est ce qui empoisonne le plus en ce moment la vie des Béninois en général, et des Cotonois en particulier ? Ce sont les affres des délestages du courant électrique. Des affres d’autant plus insupportables qu’il y a deux mois, on nous promettait monts et merveilles avec l’interconnexion entre le réseau national béninois, celui du Togo et celui du Nigeria. Et de fait, l’interconnexion fut faite, avec la bénédiction de quatre chefs d’Etat à Sakété, berceau du réseau sous-régional inter-connecté.

Pour ce qui nous concernait au Bénin, le sourire moustachu de Jocelyn Dégbey – ministre de l’Energie – nous assura que désormais, il n’y aurait plus de délestages et que nous pouvions même commencer à espérer des factures de la SBEE moins douloureuses. Autrement dit, si ce n’était pas encore le paradis, c’en était sûrement la banlieue.


Or, le constat aujourd’hui c’est quoi ? Le constat, ce sont des délestages sévères qui paralysent tout, à l’intérieur des maisons comme sur les lieux de travail ; des délestages d’autant plus insupportables que sévit en ce moment le temps des grandes chaleurs ; des délestages sévères insupportables et agrémentés, si j’ose dire, de remises intempestives de 10, 15 à 30 minutes, le genre de remises intempestives et sauvages qui font, si j’ose encore dire, le bonheur des appareils électriques.

 

Mais ce qui m’irrite au plus haut point, c’est l’absence flagrante d’une communication claire et concertée de la Présidence de la République, du Ministère de l’Energie et de la SBEE. De deux choses, l’une : ou bien tous ces gens ne comprennent rien eux-mêmes à ce qui se passe, et nous racontent des histoires, ou bien ils ont décidé de nous prendre – nous citoyens – pour des imbéciles : il y eut d’abord en effet un acharnement ridicule à nier la réalité des délestages, qualifiés avec obstination de simples coupures. Et puis il y eut la tentative de minimiser l’ampleur du problème. Il n’était question que d’une défaillance sur la ligne qui conduit le courant depuis la Côte d’Ivoire jusqu’à nous. Puis il fut question de la réduction inattendue, pour moitié, de la fourniture du courant ghanéen et ivoirien. Je ne vous parle même pas de l’une des raisons évoquées, qui seraient liées aux festivités du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Ghana. Puis il y eut finalement le conseil des ministres de la semaine dernière, qui confirma plus ou moins quelques informations, en prenant l’engagement de trouver une solution d’attente - des turbines à gaz - à importer dans les délais les plus brefs ; le même conseil des ministres qui affirma avoir le très grand souci de soulager les grandes souffrances des populations, et mettre fin à la quasi paralysie des activités économiques.

 


On est bien loin là, on le voit, des monts et merveilles enthousiastes promis, suite à l’interconnexion mise sur les fonts baptismaux à Sakété. Mais avant ça, que de temps, que d’énergie et de ressources financières perdus ! Le Président lui-même, qui s’était mis au premier rang des prometteurs des monts et merveilles, ne sort évidemment pas grandi de cette histoire. Ceci me ramène en mémoire quelques conseils que j’avais cru devoir lui prodiguer il y a deux semaines. Permettez que je me cite : « Le président de la république devrait éviter d’être sur trop de fronts à la fois. Le risque pour lui se situe à trois niveaux : 1 – Il y a le risque de surmenage : il n’a pas deux cerveaux dans la tête et son corps n’est pas en acier inoxydable, que diable !. 2 – Il y a le risque de papillonner et de survoler les problèmes, en ne se donnant pas le temps de s’en occuper à fond. 3 – Il y a le risque de la banalisation : un principe élémentaire de la communication est en effet de se faire parfois entendre le moins possible, afin d’être réellement écouté quand l’on parle. Or, je ne sais si vous l’avez noté, les discours du chef de l’Etat, trop nombreux, commencent à se ressembler et, par conséquent, à se banaliser.

 


Monsieur le président, vous connaissez l’adage : « Qui trop embrasse mal étreint ». Ce que vous ne connaissez certainement pas, c’est l’adage voisin qui proclame que « Qui trop embrase mal éteint. » C’est cet adage-là qui convient à votre situation, en cela que tous les problèmes que vous survolez en étant sur trop de fronts en même temps, et qui ne trouvent donc pas de solutions de fond, ce sont autant de feux que vous laissez allumés. Des feux qui risquent, à terme, d’embraser votre action. Vous voyez donc bien que « Qui trop embrase mal éteint. » Fin de citation.

 


Qui trop embrase mal éteint, avais-je dis. Puisque le sujet qui nous préoccupe concerne le courant électrique qui s’allume et s’éteint sans arrêt, je craint de ne pouvoir m’empêcher de faire un jeu de mots douteux, à savoir qu’en matière d’électricité Yayi Boni n’embrase rien du tout puisque tout s’éteint sans arrêt depuis quelques temps.

 


Mais pour parler sérieusement, et ajouter un conseil supplémentaire à ceux déjà prodigués, je dirais qu’il faudrait que le président cesse de se mettre en avant sur tous les fronts. En dehors des risques que je lui avais démontrés il y a deux semaines, et que je viens de citer à nouveau, il y a que, n’ayant plus de fusibles qui puissent sauter en cas de défaillance, c’est lui-même qui reçoit tous les coups. Pour son image, c’est mauvais, surtout si les coups se multiplient. Or, les coups ne peuvent que se multiplier puisque, comme je l’ai souligné aussi, à force de vouloir être partout, et obligé de parer à chaque fois au plus pressé, il laisse partout des chantiers inachevés. C’est de ces chantiers que vont provenir les coups. C’est un fait, la tentative infructueuse de règlement de la présente crise énergétique, est un cas typique de chantier inachevé à la Yayi Boni.

 


Comment pourrait-il sortir de celui-là ? En faisant ce qu’il aurait dû faire au départ, c’est à dire faire organiser un forum - c’est d’ailleurs de saison ! - un forum sur la mise sur pied d’une véritable politique énergétique au Bénin. Je rêve peut-être, mais il y aurait déjà eu une véritable politique énergétique nationale, convenablement pensée et mise en œuvre, que la réduction surprise de la fourniture du courant électrique en provenance du Ghana et de la Côte d’Ivoire, ne nous aurait pas laissé si désarmés et si désemparés.

 


Une politique énergétique nationale convenablement pensée et mise en œuvre s’impose donc, parce que c’est une hérésie totale que de dépendre à ce point d’une énergie électrique d’importation, quand on aspire à devenir pays émergent, en veillant à avoir la maîtrise de tous les paramètres de son développement. Dans cet esprit, même l’interconnexion, présentée à mon avis à tort comme une solution miracle, doit être située à sa juste place dans le dispositif globale de l’indispensable politique énergétique nationale. Je ne vois pas en effet à quoi ça nous aurait avancé, de remplacer notre trop grande dépendance énergétique vis à vis du Ghana, contre celle plus grande encore vis à vis du Nigéria. Un forum s’impose donc, pour examiner tout cela dans le fond.

 


Cependant, l’autre avantage que je trouve à un tel forum, c’est qu’il ne peut pas ne pas faire l’état des lieux complet dans le secteur de l’Energie. Nous aurons alors – enfin ! - les vraies explications sur la dette colossale et jusqu’à présent inexpliquée de la SBEE vis à vis de la CEB ; les vraies explications sur la pertinence de l’acquisition, à un moment donné, des groupes électrogènes dits de Takoradi ; les vraies explications sur la très grave crise énergétique de l’année 1998 où, pendant que les populations souffraient mille morts, des gouvernants osèrent acheter des groupes usagés présentés comme neufs et en plus, odieusement surfacturés !

 


Les vraies explications en question permettront sûrement de désigner les vrais responsables de ce grand malheur qu’est le délestage qui nous frappe dans le pays, de façon cyclique. Si je ne m’abuse, certains de ces responsables sont de soi-disant honorables députés à l’Assemblée Nationale. D’autres s’apprêtent à devenir eux aussi des honorables.

 


C’est inacceptable !, c’est le moins que je puisse dire. Il faut que ces responsables soient au minimum inquiétés, et dans le meilleur des cas mis sous mandat de dépôt au plus tôt.


Ce serait pour nous, citoyens béninois, un peu de baume au cœur, au cœur de nos si grandes souffrances, du fait du délestage.


C’est ce que je crois

TLF



20/07/2007
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