Gestion de la vie publique nationale:
In Le Matinal - Les partis politiques traditionnels nés au lendemain de la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation ont désormais de sérieuses difficultés pour continuer à exister. Le malaise n’épargne pas non plus les nouveaux et annonce même leur disparition précoce. Et on s’interroge sur l’avenir qui sera le leur face à cette situation qui tend à se pérenniser. ...
D’énormes difficultés pour l’existence des partis
politiques sur le plan national. La situation paraît bien bizarre. Mais
c’est la réalité qui s’impose désormais à tous ces responsables qui ont
osé créer des formations politiques. Et les multiples rencontres sur le
plan national et avec le soutien des partenaires au développement pour
trouver une issue heureuse semblent avoir simplement échoué. Et pour
cause. L’Etat n’a pas su jouer sa partition et la responsabilité de sa
tâche a été répercutée sur les dirigeants qui ont été, de leur côté
étouffés par les multiples sollicitations. Résultat : après plus d’une
décennie d’expérimentation de la démocratie pluraliste, rien n’a
réellement changé dans les habitudes en dehors de la volonté des
citoyens à pouvoir se constituer en groupes politiques. Une volonté
largement réduite à la seule possibilité des responsables de fixer les
règles du jeu, de désigner ceux qu’ils veulent sur les listes
électorales, d’éliminer autant que possible les candidatures féminines,
de privilégier leurs proches et surtout d’être les seuls à être
candidats pour la magistrature suprême. Aujourd’hui, il est clair dans
les esprits que c’est seulement celui qui a la possibilité de créer un
parti politique qui en assure les contraintes et par voie de
conséquence est le seul maître à bord puisqu’il a les pleins pouvoirs
de décider de la conduite à tenir. Et en tout temps, ces présidents de
formations politiques seulement forts dans leur groupe, n’ont pas pu se
faire élire président du pays et ont été obligés de soutenir d’autres
personnes. La première remarque au bout de la dizaine d’années, c’est
qu’aucun de ces dirigeants n’a su réellement se rendre compte du
désastre pour chercher à contourner la donne. Et Bruno Amoussou avec
son puissant Parti Social Démocrate (Prd) est contraint de raccrocher
contre son gré alors qu’il aurait pu profiter de sa riche expérience
politique pour se donner tout au moins un seul mandat à la Marina. La
situation est pareille pour Me Adrien Houngbédji qui a besoin de
beaucoup de précision dans les actes pour ne pas rater fortuitement la
mise en 2011. Dans ces conditions où les autres formations ne sont pas
épargnées où il ne suffit pas d’avoir assez d’argent pour croire au
miracle, le bon sens recommande un sérieux recul pour mieux réfléchir
aux causes de cette mauvaise fortune des grandes formations politiques
plus de 10 ans après leur naissance.
Les textes de loi en la matière
A première vue, ce
sont les textes de loi qui n’ont pas pu trouver la solution de cette
descente évidente aux enfers dont sont victimes des partis politiques
dans le pays. C’est d’abord les initiateurs de la constitution du 11
décembre 1990 qui n’ont pas su garantir aux partis politiques une
existence sécurisante. Et ce n’est pas aussi de leur faute. C’est en
fait dans l’euphorie qui a permis la réussite de la Conférence
Nationale des Forces Vives de la Nation que réside le mal. Les parties
prenantes dans l’enthousiasme des succès pour conduire le Général
Mathieu Kérékou à sa fin politique, ont cru que tout était déjà réglé
et n’ont pas pu préparer la suite. Au lieu de réfléchir au type de
régime qu’il fallait après tant d’années de gouvernance sans partage,
les participants à cette glorieuse conférence se sont abandonnés au bon
vouloir des intellectuels qui se sont aussi trompés sur les sujets pour
opter pour une démocratie pluraliste sans un minimum de rempart. Et
plus tard quand ils s’en sont rendus à l’évidence, rien ne pouvait se
faire pour contenir les ardeurs. La charte des partis politiques même
dans son état actuel est loin d’être un repère. Les uns et les autres
se sont déjà donnés des habitudes qu’on aura forcément du mal à gérer
dans le cadre d’une bonne discipline. Plus de 50 formations politiques
n’ont rien de conforme aux nouvelles règlementations et il n’y a
personne pour les y contraindre. Et on peut simplement se réfugier sous
les couvertures d’alliance de partis pour aller aux élections quand
bien même on sait qu’on doit y être écarté en principe. Il faut
craindre beaucoup pour la suite parce que cette situation ne saurait
trop durer. Surtout que ce sont les parlementaires qui ont l’obligation
de réorganiser le système. Si en s’obstinant à poser les actes qu’il
faut aujourd’hui, c’est parce qu’aucun d’entre eux n’est en règle.
Mais, ils doivent se mettre en tête qu’au moment où ils ne seront plus
aux affaires, ils seront mis devant le fait accompli.
L’ignorance du rôle de l’Etat
La situation critique
des formations politiques est surtout due au fait que l’Etat refuse de jouer sa partition. Dans les grandes démocraties
que les pays du sud, dont le Bénin, ont tendance à copier, c’est l’Etat
qui finance les partis politiques et leur imprime une ligne de conduite
sans bien sûr s’organiser en dictateur. Et les choses vont comme sur
les roulettes. Au Mali qui a pratiquement les mêmes ressources que le
Bénin, le gouvernement a compris la nécessité de doter les partis
politiques de ressources pour mieux suivre leur évolution et leur
permettre d’exister. En Israël, on est allé plus loin. Les élections
primaires sont organisées au sein des partis politiques par le
ministère de l’Intérieur et les responsables qui trichent sont
sanctionnés. C’est le cas du premier ministre Ariel Sharon. Ces
comportements ne sont pas seulement de tendance à sauver la démocratie.
Ils permettent de créditer les partis politiques et les responsables
qui sont souvent élus, incarnent réellement une vision populaire et
méritent la confiance des électeurs qui peuvent ne pas être issus de
leur seul groupe politique. Le Bénin a la possibilité, au regard des
mérites qu’on lui connaît, de faire mieux. Il en va de son intérêt que
les partis politiques ne disparaissent pas après leurs créateurs et
qu’ils ne soient plus la propriété d’un homme.
Responsabiliser aussi les militants
En réorganisant
les formations politiques avec des textes relativement bien clairs, il
y aura un impact sur le militantisme. Sera militant d’un parti celui
qui en mesure bien les contours et les responsabilités qui seront les
siennes en tant que membre. A partir de ce moment, le militant saura
qu’il faut payer ses cotisations selon un délai et un rythme. La
situation pourra régler, dans une large mesure, les histoires de
transhumance politique et celui qui démissionne d’un parti politique va
d’abord bien mesurer les pertes qu’il encourt avant de prendre sa
décision. Et les partis politiques deviendront très forts, avec les
moyens qui ne sont pas issus d’un seul homme. Dans ces conditions, les
formations politiques pourront faire en sorte pour parvenir au pouvoir
et auront une longue durée de vie.
Jean-Christophe Houngbo
19 Octobre 2007
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