"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Grève de 72h dans l’Administration judiciaire :

Edition du 11/12/2007

Les magistrats fâchés, la justice paralysée

 

En pleine session de la Cour d’assises, l’Union nationale des magistrats du Bénin (UNAMAB), entreprend, pour compter de ce jour à 00h et ce jusqu’à jeudi prochain à minuit, un mouvement de grève. Pour qu’une décision soit prise à pareil moment, c’est que des raisons sérieuses la fondent. Pourquoi donc les magistrats déposent-ils la toge ? Quelles sont les conséquences de ce mouvement qui, immanquablement, paralyse l’Administration judiciaire, puisqu’il est annoncé pour être sans service minimum ?

 

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI

 

Déjà objets de certaines attaques à peine voilées et injustifiées de la part de quelques responsables politiques, ce qu’il n’ont d’ailleurs pas manqué de signaler au chef de l’Etat, les magistrats considèrent que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, est la décision prise par le Conseil des ministres, à l’issue de sa séance du 12 octobre. A l’occasion en effet, il a été décidé de la suspension jusqu’à nouvel ordre, de l’exécution des arrêts de justice relatifs aux litiges domaniaux en milieu urbain. Pis, le relevé du Conseil des ministres en date du 15 octobre visait aussi les litiges pendants devant les juridictions, en attendant la mise en place d’un mécanisme adéquat de règlement. Pour les magistrats, explique le président de leur association, l’UNAMAB, Onésime Madodé, il s’agit ni plus ni moins d’une immixtion grave dans l’exercice par les juges, de leur office, en les empêchant d’avoir à rendre de nouvelles décisions. A cela, il faut ajouter qu’ils n’ont guère apprécié les déclarations du ministre de la Justice, après leur réaction et notamment lors des cérémonies de rentrée solennelle des Cours d’Appel. Dès lors, ils ont entrepris diverses actions en direction des autorités aux fins d’amener le gouvernement à rapporter sa décision qui n’est fermé dans aucun délai, ce qui en fait une décision de portée générale selon l’UNAMAB, et le ministre de la Justice à présenter des excuses à la corporation, pour ses propos que les uns et autres jugent, à la limite, discourtois et déplacés. En tout cas, pour Onésime Madodé et les siens, la décision du gouvernement manque de base légale et de pertinence puisque depuis plus de deux ans, avancent-ils, il n’y a plus de déguerpissement en milieu urbain, suite à la tentative manquée d’Agla…
Entre temps, après plusieurs démarches tant du pouvoir que de l’UNAMAB, une rencontre a eu notamment lieu entre les parties. On était le 30 novembre. Au cours de cette rencontre, le chef de l’Etat aurait tenu des propos que ses interlocuteurs n’ont pas du tout appréciés. Selon leur motion de grève ; il leur aurait dit, entre autres, qu’il est le « seul légitime », « qu’il na pas accédé au pouvoir par un coup d’Etat et qu’il n’est pas inculte », avant d’affirmer que « la décision de suspension querellée ne sera pas rapportée par le gouvernement, s’agissant surtout d’une demande (provenant) d’une association ». Il s’agit, selon la motion de grève, « de propos franchement humiliants et désespérément intimidants ». Et, pour l’UNAMAB, « aucune légitimité ne confère au président de la République, le pouvoir, à travers son gouvernement, de s’immiscer de façon flagrante dans le judiciaire et partant, de violer la Constitution ».
Voilà pourquoi, conformément aux décisions de son assemblée générale du 9 novembre, l’Union nationale des magistrats du Bénin décide d’observer cette cessation de travail sans service minimum dans toutes les juridictions (cours et tribunaux) sur toute l’étendue du territoire national et au ministère de la Justice. Il n’est pas exclu, avertit le président de l’UNAMAB, Onésime Madodé, que ce mouvement soit reconduit et devienne même illimité. Tout dépendra de la décision qui sortira de la nouvelle assemblée générale prévue pour se tenir le vendredi 14 décembre prochain.
Cette grève des magistrats aura pour conséquence immédiate, il faut le dire, la mise entre parenthèses des audiences de la Cour d’assises ; au moins pendant les jours de grève. Ainsi, les accusés dont les dossiers sont déjà enrôlés, devront patienter quelques jours avant d’être fixés sur leur sort. De même, les justiciables et autres usagers des services de la Justice, seront privés pendant quelques jours, des prestations auxquelles ils ont droit.
Toutes ces conséquences, l’UNAMAB les met à la charge du gouvernement à qui il réitère son invite à rapporter sa décision.



12/12/2007
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