"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Haro sur la pensée unique !

     James KOULANGO - Le changement en cours dans notre pays est une étape importante dans la vie et l’histoire de notre pays.  Il est intervenu, il vivra et partira avec son lots d’espoirs, mais aussi de déboires pour les populations.  Il donnera naissance à une autre étape elle aussi non moins importante qui avancera à coup sur le Bénin et son peuple dans la voie du progrès. Il serait donc illusoire de penser que le processus actuellement en cours est unique dans l’histoire de notre pays et ne fera que du bien à notre pays.  On ne peut que souhaiter du bien à notre pays et comme tout bon citoyen, conjurer les revers éventuels.  Mais le monde est ainsi fait; tout système de gouvernance a ses bons et ses mauvais cotés.

 

C’est pour cette raison que les citoyens que nous sommes devront rester vigilants pour ne pas donner dans l’unanimisme préjudiciable au progrès que nous recherchons.  Cet article est le fruit d’une réflexion sur l’évolution des tendances et des mœurs politiques chez nous depuis l’avènement du régime du changement.  On entend certains compatriotes, proches du pouvoir actuel dire que le changement est un processus irréversible et quiconque essayera de se mettre en marge sera écrasé.  Une telle affirmation est aussi entendue sur les ondes de certaines radios et lue dans une certaine presse, préparant encore une fois les béninois à vivre et participer à la pensée unique.

 

Je voudrais simplement par ce billet attirer notre attention sur le besoin de nourrir la démocratie et le progrès par la contradiction intelligente et constructive.  Les faux consensus, négociés par des politiciens à la recherche de postes et de positions personnelles ont fini de tuer le progrès dans les pays ou ces expériences ont été forcées, au nom de la paix et du soit-disant intérêt général.

 

Aujourd’hui plus qu’hier, les gouvernants ont besoin que leur soit porté la contradiction, de façon quotidienne. Ils ne sont pas infaillibles ; ils sont même plus exposés à l’erreur parce que parfois en prise à des conseils aussi incohérents des uns que des autres de leurs proches qui eux aussi sont loin d’être la crème, en matière de réflexion. De nombreux faits viennent corroborer ce besoin qui se pose désormais comme un impératif du Bénin émergent que nous voulons construire. Voulons-nous le construire avec la pensée unique ? ou voulons-nous nourrir notre changement à la sève de la richesse de la pensée diversifiée qui conforte le progrès ?

 

Pour illustrer mes propos, je voudrais emprunter à l’actualité politique de notre pays, un seul exemple parmi plusieurs dossiers qui ont tenu les populations en haleine au cours des dix-huit derniers mois.

 

Il s’agit de la question du service militaire d’intérêt national.  Approuvé  en conseil des Ministres pour démarrer à la prochaine rentrée scolaire, le service militaire d’intérêt national a fait l’objet d’une proposition de loi, étudiée en procédure d’urgence par l’Assemblée nationale au grand mépris des règles et procédure en la matière.  Je vous fais grâce des détails de ce dossier tout en attirant votre attention sur le sort qu’il connaît aujourd’hui et qui donne raison à ceux qui pensent que les décisions au sommet de l’Etat sont de plus en plus prises dans la précipitation avec de moins en moins de réflexion sur le fond, mais aussi sur la forme.

 

A l’Assemblée Nationale, un député a tenté d’attirer l’attention de ses collègues sur les faiblesses notamment procédurières de cette proposition, en cours d’adoption.  Mal lui en a pris, on l’a traité de tous les noms.  Il a été ensuite présenté, avec la complicité de certains organes de presse,  comme l’empêcheur de tourner en rond par ceux qui prennent les décisions, même les plus erronées en échos.  Cette manière qu’inaugurent certains de nos compatriotes qui se disent défenseurs du changement et qui prennent en aversion tous ceux qui ne pensent pas comme eux, s’apparente à un recul pur et simple de la réflexion dans une démocratie en construction comme la notre.  C’est un refus de la qualité et du travail bien fait au service de l’intérêt général. Comme l’a dit le feu Président Félix Houphouet-Boigny, « le mensonge se lève tôt pendant que la vérité dort encore dans son lit.  Mais à un moment donné, la vérité se lève, rattrape le mensonge et le dépasse ».

 

Cette manière d’empêcher et d’obstruer l’expression plurielle et contradictoire rappelle, de triste mémoire, la période révolutionnaire ou le peuple tout entier était nourri d’idéologies arrosées de slogans à longueur de journée pour louer les décisions arbitraires et unilatérales d’un pouvoir qui inhibe l’initiative et tue la pensée plurielle. La société ou il fera bon vivre nous avait été promise. Nous devons éviter que le Bénin émergent soit aussi une vue de l’esprit, faute de confrontations des idées et des projets.

 

On assiste déjà dans certains organes de presse de service public à ce qu’il est convenu d’appeler des émissions de propagande, en lieu et place de celles comme la revue hebdomadaire de la presse connue il y a quelques mois encore sur la Télévision Nationale. Dans la presse privée, c’est le comble, la pensée unique a déjà fait son lit au point ou certains auditeurs sont marqués à la culotte  dans leurs interventions, lorsqu’elles tendent à apporter un autre son de cloche.            Pourvu que cela ne nous conduise pas là ou nous avait conduit l’unanimisme des années 70 et 80.   

 

Avons-nous réellement besoin qu’un tel environnement se crée à nouveau dans notre pays ? Je n’en suis pas sur.  C’est pourquoi il faut rendre hommage à la Cour Constitutionnelle chaque fois qu’elle restitue à notre démocratie tout son sens et renvoie les partisans de la pensée unique à méditer des décisions précoces, improductives et superficielles.   

 

Tous les béninois aspirent au développement économique et social pour leur pays. Mais les moyens pour y parvenir ne feront jamais l’unanimité.  Il en sera toujours ainsi, au fur et à mesure que de plus en plus de Béninois recevront l’instruction et l’éducation nécessaires pour discerner ce qui est de ce qui est vraisemblable.

 

Nous parviendrons avec certitude au Bénin émergent dont nous remercions le Ministre du Développement d’avoir récemment décrit le portrait robot, lorsque nos gouvernants valoriseront la contradiction en créant l’espace d’expression libre qui nourrit le progrès, au détriment d’une propagande aliénante et du culte de la personnalité qui trahissent notre volonté commune d’aller vers le progrès.

 

 

                           

 

                                                  

 



18/09/2007
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