Institutions de la Republique:
Hebdomadaire
Catholique: Justice - Vérité - Miséricorde
Ce
numéro 13 de Res Publica analyse de façon générale les facteurs susceptibles de
contribuer à une meilleure performance des institutions de
Avant d’aborder les réflexions sur chacune des institutions de
L’établissement de nos institutions
Qu’il soit nécessaire d’initier ce genre de réflexion devrait, à notre avis,
aller de soi. En effet, presque deux décennies de pratique (de mise en œuvre)
de
Quant aux rapports entre les institutions, la situation est presque la même. En
effet, il est relativement facile, en observant la vie politique nationale de
1990 à ce jour, de mettre en évidence plusieurs cas de difficultés, de conflits
et parfois même d’inadéquations dans le cadre des rapports entre les institutions
de
1. les rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire : en guise d’exemples l’on
peut citer, affaire Hamani, affaire suspension provisoire de l’exécution de
certaines décisions de justice, lutte contre la corruption, etc. ;
2. les rapports entre l’Exécutif et
3. les rapports entre l’Exécutif et le Législatif : par exemple, la fonction de
contrôle de l’action gouvernementale ne parvient pas à s’effectuer de façon
satisfaisante, la collaboration attendue entre les deux institutions pour
l’amélioration de la qualité des politiques publiques n’a souvent pas lieu, la
coordination entre ces deux institutions et le Judiciaire pour une gestion
pertinente des protections accordées aux animateurs de nos institutions
(immunité parlementaire, et le recours à
Cependant, nous devons reconnaître que la quasi-totalité des problèmes survenus
dans le cadre des rapports entre les institutions, et dont une partie est
évoquée ci-dessous, a trouvé, d’une manière ou d’une autre, des solutions
souvent à la suite de décisions de
Facteurs de performance de nos
institutions
Ainsi, nous abordons les deux questions ci-dessus – c’est-à-dire la performance
des institutions et les rapports entre elles – ensemble et seulement de
façon générale. Nous passerons en revue des considérations, ou plutôt des
règles qui nous paraissent importantes et dont nous croyons qu’il vaudrait
mieux tenir compte pendant l’élaboration ou la révision des dispositions
constitutionnelles (légales) qui définissent les institutions de
Commençons donc par les facteurs essentiels qui entrent en ligne de compte dans
la performance d’une institution. Il s’agit en réalité d’éléments qui
augmentent les chances que l’institution en question agisse, entreprenne
effectivement les actions désirables, jugées nécessaires pour la démocratie et
qui justifient que l’institution ait été prévue dans le cadre institutionnel
national. Les facteurs en question, nécessaires pour doter une institution des
capacités d’agir, sont, en général, de 3 ordres : les règles (de fonctionnement
interne de l’institution), les capitaux (toutes les autres ressources sauf les
hommes) et les hommes (les ressources humaines). De ces trois éléments, nous
nous étendrons surtout sur les hommes, et de manière secondaire sur les
règles.
En effet, sans l’Homme, les deux autres facteurs sont de peu d’utilité
même si nous devons reconnaître que les règles peuvent aider à créer un
environnement incitatif pour l’Homme. Par exemple, si ce que nous avons appelé
les capitaux ne sont pas suffisants, l’Homme peut les gérer de manière efficace
(c’est-à-dire de manière à en tirer le maximum possible) et parfois même aller
chercher des compléments ailleurs. De la même manière, les capitaux peuvent
exister en abondance sans être utilisés, ou alors être très mal utilisés,
tellement mal utilisés que l’on ne ferait pas la différence avec leur rareté ou
même leur inexistence. Il devrait en être de même pour les règles qui peuvent
être changées par l’Homme s’il en avait vraiment envie, mais à la différence
que les règles, contrairement et/ou mieux que les capitaux, peuvent aider à
inciter l’Homme. D’où le caractère central de l’Homme dans le fonctionnement et
la performance de toute institution. Montesquieu ne disait pas autre chose lorsqu’en
cherchant ce qu’il a appelé, dans un contexte plus général, «le principe du
gouvernement», c’est-à-dire, selon lui, ce qui fait agir le gouvernement, ce
qui le met en action, il n’a trouvé, pour ainsi dire, que «les passions
humaines».
Ce que nous venons de dire est loin d’être le fruit d’une spéculation purement
intellectuelle. Le fonctionnement de nos institutions depuis l’avènement du
Renouveau démocratie est là pour le démontrer. En effet, combien de fois
n’avons-nous pas entendu des citoyens (parfois pas des moindres, même parmi les
membres de la commission constitutionnelle) se demander pourquoi les députés
n’utilisent-ils pas tous les moyens constitutionnels de contrôle à leur
disposition ? Pourquoi certains textes (projets et/ou propositions de lois),
dont l’importance et l’utilité ne sont pourtant plus à démontrer, restent-ils
des années à l’Assemblée nationale sans être votés ? Pourquoi les animateurs du
pouvoir judiciaire ne sont-ils pas aussi agressifs qu’on l’aurait voulu, par
exemple, dans la gestion des dossiers de corruption? Pourquoi chaque nouveau
chef de l’Etat met-il près d’un an et demi (sur cinq) pour proposer un
«programme d’action», s’il y en a un ? Pourquoi, malgré les prescriptions
légales (mêmes constitutionnelles), nos «partis politiques» ne se décident-ils
pas à se doter de projets de société ou de programmes politiques ? Etc.
Voilà pourquoi l’on se doit d’accorder une importance particulière aux choix
des hommes chargés d’animer les institutions de
L’idéal serait donc de réussir à choisir des hommes qui, une fois en fonction,
n’auront que l’envie de jouer leur rôle, d’utiliser pleinement tous les
instruments attachés à leurs positions. Mais à défaut, ou tout simplement en
cas de doute, il nous appartient à nous citoyens de ce pays de nous assurer que
tout ce qui est possible a été mis en œuvre pour allier l’intérêt de l’Homme
aux exigences de la place. L’intérêt en question doit être pris au sens le plus
large possible pour désigner tout ce qui peut inciter un homme à agir dans le
sens désiré, à avoir besoin d’entreprendre des actions voulues, souhaitées. Les
moyens pour y parvenir doivent être eux aussi pris au sens le plus large
possible et inclure tout, du mode de sélection (élection et/ou nomination) aux
règles de fonctionnement interne en passant par le mode financement, etc. Nous
promettons de revenir en détail sur chacune de ces questions lorsque nous
discuterons des cas spécifiques.
Par conséquent, lorsqu’on a fini d’ériger une institution et de la mettre en
place, d’établir les critères de sélection de ses animateurs et les règles de
son fonctionnement interne, nous devons être en mesure de répondre à une
question fondamentale. Pourquoi les éléments ci-dessus évoqués devraient-ils
inciter les animateurs de ladite institution à se comporter comme nous le
souhaitons ? De façon plus concrète, pour prendre quelques exemples,
pourquoi peut-on s’attendre à ce que les députés utilisent, à chaque fois que
c’est nécessaire, les instruments prévus pour le contrôle de l’action
gouvernementale? Pourquoi auront-ils envie d’initier et/ou d’adopter avec la
célérité nécessaire les textes importants pour la société ? Pourquoi les
membres de
Si cette précaution n’est pas prise en compte, les rapports entres les
institutions, le deuxième point de la présente analyse, peuvent occasionner des
situations parfois dramatiques, voire même désastreuses. Pour l’illustrer,
prenons le cas (peut-être extrême) où deux institutions sont érigées en
contrepoids – c’est-à-dire l’une est supposée s’assurer que l’autre reste dans
un cadre donné – et l’une est défaillante alors que l’autre est performante.
Dans une telle situation, l’institution qui est performante fonctionnera dans
les faits comme si celle qui est supposée lui servir de contrepoids n’existait
pas ; l’institution performante paraîtra aux yeux de tous (et elle sera en
réalité) superpuissante ; tout se passerait comme si l’équilibre souhaité entre
les deux institutions était brutalement rompu.
La scène décrite ci-dessus est loin d’être purement théorique. Notre histoire
politique récente (depuis l’avènement du renouveau démocratique) nous offre, en
effet, plusieurs situations de ce genre. Même si le constituant de
En effet, la situation ci-dessus évoquée, où deux institutions qui devraient
être en rapport ne sont pas au même niveau de performance, peut avoir d’autres
conséquences tout aussi négatives sur le fonctionnement du cadre institutionnel
global. Par exemple, si ces deux institutions étaient complémentaires l’une de
l’autre, étaient des étapes d’un même processus, cette situation pourrait
entraîner la démotivation des animateurs de l’institution performante si la
plupart de ses actions débouchent sur l’échec à cause des insuffisances de
l’autre. C’est, par exemple, le cas lorsque le chef de l’Exécutif se retrouve,
à cause de la performance insuffisante d’autres institutions, bloqué dans sa
volonté de lutte contre la corruption ; c’est également le cas lorsque le
Législatif, à force de buter sur les limites légales à ses actions de contrôle,
abandonne graduellement certains des instruments prévus à cet effet. L’on peut
également évoquer, il est vrai dans une moindre mesure, le cas de la société
civile et des médias, toujours en ce qui concerne la lutte contre la corruption
où les animateurs de ces deux institutions s’échinent (parfois au risque de
leurs vies) sans aucun relais de la part des autres institutions, etc.
A ce niveau également, c’est-à-dire celui des rapports entre les institutions
et leurs impacts sur la performance du cadre institutionnel, la place de
l’Homme est primordiale. Il est l’élément qui, bien choisi et placé dans les
conditions idoines, peut accroître les chances de bon fonctionnement d’un
arrangement institutionnel en suppléant si nécessaire aux insuffisances des
autres facteurs. En effet, en nous référant une fois encore à James
Madison (dans Le fédéraliste, n° 51) qui conseille que, en
l’absence (et nous ajoutons «et dans le doute en ce qui concerne la présence»)
de sentiments patriotiques, meilleurs vis-à-vis du bien public, «il faut
opposer l’ambition à l’ambition… [il faut] que les intérêts privés de chaque
individu soient une sentinelle pour les droits publics».
Ici aussi, les règles peuvent aider à créer l’environnement approprié,
suffisamment incitatif pour l’Homme dans sa contribution au bon fonctionnement
des rapports entre les institutions. En effet, ce
sont les règles qui peuvent aider à l’opérationnalisation
de ce système qui consiste à suppléer par l’opposition et la rivalité des
intérêts à l’absence de sentiments patriotiques. Ce sont encore elles qui
peuvent contribuer à l’établissement des protections nécessaires et adéquates –
protection contre les influences possibles des membres d’autres institutions,
aménagement de l’autonomie financière, etc. – aux animateurs des institutions
mises en rapport. L’on peut aussi ajouter l’importance des règles dans la
réalisation des différents arbitrages nécessaires dans les rapports entre
certaines institutions, surtout entre l’Exécutif, qui est dans le feu de
l’action au quotidien, et la plupart des autres institutions.
Il faut, par exemple, pour ce qui concerne le dernier aspect évoqué ci-dessus,
aborder la question dans un cadre aussi général que possible, à savoir :
comment permettre à l’Exécutif (et son chef) de mettre en œuvre les
initiatives qu’impliquent les actions des autres institutions clés de
Comme on peut l’avoir compris dans les quelques lignes ci-dessus, l’importance
de la question de la performance des institutions et des rapports entre elles
n’est plus à démontrer. Ceci est tellement vrai que l’autre disait que « ce qui
est important, c’est moins la concentration des pouvoirs, que leur bonne
disposition », aussi bien pour eux-mêmes que les uns par rapport aux autres.
Nous sommes conscient de n’avoir pas épuisé la question, même dans son aspect
général. Cependant, pour diverses raisons, nous nous arrêtons là à cette étape
en promettant d’y revenir surtout dans l’analyse d’institutions spécifiques et
des rapports établis entre elles dans notre Loi fondamentale.
Res Publica
[Mathias Hounkpè]
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