"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

La croissance de rêve

mardi 30 octobre 2007, par Arimi Choubadé

Rédigé le 30 octobre 2007

 

6,7% de taux de croissance au titre de l’année budgétaire 2008. Je vois des Béninois rouler de gros yeux à la lecture du projet envoyé au parlement par le gouvernement du changement. Près de 7%. A quelques encablures des deux chiffres annoncés depuis la transition herculéenne de 1990. Enorme ! Sommes-nous déjà à l’émergence ? Hong-Kong à nos portes !

Le processus d’abêtissement soutenu, déroulé sur toutes les ondes depuis plusieurs mois justifie amplement l’incrédulité des compatriotes de Yayi Boni vis-à-vis de cette nouvelle inespérée. Il n’y a pas que les érudits des grandes écoles d’économie qui puissent pénétrer les indices de cette embellie mathématique. Ceux qui arpentent régulièrement les dédales du Bénin profond savent ce qui a changé. À défaut, il suffit de consulter la déclaration de la délégation du Fonds monétaire international (Fmi) pour se faire son opinion.

On lit dans ce document fort instructif que le programme d’investissement public (Pip) est pratiquement au ralenti. Traduction : moins (ou plus du tout) de chantiers d’hôpitaux, de centres sociaux, de pistes rurales. N’eut été un appui spécial de la part du gouvernement français dans le cadre de la rentrée académique 2007-2008, les « exploits » du génie militaire au secours des scolaires n’auraient jamais vu le jour. Il ne reste comme charges publiques que le fonctionnement et les salaires. De la manne pour les caisses du trésor qui s’engorgent selon les indiscrétions de l’argenterie nationale. Sans compter le pactole issu des privatisations et de la pression fiscale tous azimuts. Aucune chance pour le taux de croissance d’éviter d’être pulvérisé.

Cela permet de doper la générosité du chef. 14 milliards pour les cotonculteurs, 1 milliard pour les artisans, 6 milliards pour les micros crédits, exonération des frais de scolarité, gratuité de soins pour les moins de 5 ans. Avec quelques commodités supplémentaires pour les princes eux-mêmes : triplement des salaires des ministres et des membres d’institution, multiplication du parc automobile de l’Etat et des tournées ministérielles, une centaine de milliards pour vendre le Bénin à l’extérieur en 8 mois, délocalisation coûteuse du conseil des ministres….

Entre les grands livres de compte et le panier de la ménagère, les princes ont tranché. Le choix ne souffre d’aucune ambiguïté. Les prix des denrées continuent de flamber sur les marchés. L’accès au pain devient un exploit de bourgeois aussi bien à Cotonou qu’à Natitingou. Les damnés de Toviklin, Lalo, Klouékanmè dans le département du Couffo complètement enclavés et inondés savent le prix à payer pour que le taux de croissance puisse chausser les bottes de l’émergence. Pistes complètement défoncées, difficiles d’accès plusieurs mois dans l’année, faute de crédit.

C’est un fait que les près de 7% ne traduisent pas une croissance de la productivité. La principale culture d’exportation, le coton, est pratiquement dans les cordes, l’école grippée, le sport sous perfusion, la santé approximative, le tourisme presque résiduel ; le commerce, les télécommunications, les routes en bute à l’improvisation et à l’incompétence. On ne sait toujours pas par quel bout prendre le chômage des jeunes. Une démocratie qui fonctionne sans partis politiques, sans opposition. Et pourtant le taux de croissance flotte au vent.

Je préfère ne rien y comprendre !


05/11/2007
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