"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

L’acte I du virus de la mal gouvernance au Bénin :

3 juin 2008


Récit d’un apprenti dictateur


«Ceci est un songe et comme tous les songes, il prend sa source dans des mœurs d’époque, pour rejoindre le cours incessant de l’histoire des hommes.»

Seigneur, pardonnez l’outrecuidance de mes aveux, car devant le Trône éternel, le verbe devient tout de vérité. L’étrange paradoxe de mon arrivée au pouvoir
C’est un peuple auquel je n’ai jamais eu confiance et auquel j’avais retiré ma dernière parcelle d’espoir de le voir un jour me confier son destin, qui m’accorda sa confiance de la manière la plus inattendue.
Pourtant, cette confiance n’était pas la rétribution d’un mérite personnel à partir de ce que j’ai pu lui offrir comme gage de fiabilité de ma trajectoire politique. Elle était sûrement le produit de l’onction de légitimité que m’a conférée le soutien quasi-unanime de l’opposition politique, dont j’ai bien profité de la désunion. Cette opposition-là, avait pourtant participé à écrire de belles pages de l’histoire de la lutte du peuple pour la démocratie, le progrès social et d’un contexte national tout acquis au changement.
En vérité, le pouvoir m’est tombé entre les mains, comme un fruit mûr de l’arbre. Inutile de dire que ce fut une aubaine en 2006. Moi qui étais totalement inconnu de la politique béninoise et qui servais comme petit banquier dans une institution financière sous-régionale. Songez que mon «jeune» âge me portait de moins en moins aux joutes politiques de terrain et mettait, chaque jour, un peu plus de bémol à ma passion politique.
Cet âge de la vie est souvent celui des incertitudes, des doutes, des précipitations et parfois même du reniement des choses et des êtres auxquels on croit être attaché. Bref, c’est le temps de la solitude, de la conscience de la facticité du lien social, le temps de la sensation de la vacuité d’un monde dont on ne perçoit plus les clameurs et les couleurs.

La ruse est le credo de ma gouvernance

Depuis deux ans que je séjourne héroïquement à la Marina, j’ai eu la prouesse d’ériger la ruse en méthode de gouvernement. Je suis parvenu à comprendre que j’ai naturellement un goût immodéré du pouvoir et des honneurs qui lui sont attachés. Depuis lors, je m’incline très peu à me soucier de règles éthiques. J’ai aménagé un coin de mon bureau pour des occasions sexuelles avec de vieilles connaissances. Ceci au vu et au su de mon épouse que je suis prêt à mettre à la porte à la moindre réaction de sa part. J’ai également fait installer une petite armoire qui héberge discrètement quelques liqueurs de grande qualité dont je suis profondément accroc. Le faux serment, la fausse publicité, la récupération politique, le mensonge, la félonie, la duperie et la tricherie ne sont pour moi que les facéties de toute une panoplie politique permettant de conserver le pouvoir. Ma réélection en 2011 est presque assurée. J’en pose tous les jours les jalons politiques.
De mon point de vue, le discours n’engage que celui qui l’écoute et le signal émis perd sa fonction d’alerte pour remplir justement, sa mission consistant à dérouter les adversaires politiques et l’opinion publique. Car, j’ai toujours été attentif au décor planté en démocratie, dont je n’ignorais point les vertus, mais dont, du fond de moi–même, je réprouvais les inamovibles obligations. Je ne suis franchement pas fait pour la démocratie. Pour moi, la démocratie peut être un moyen d’accéder au pouvoir mais sans doute pas, celui d’y rester. Avant d’aller à des élections, il faut s’assurer de les remporter. Je suivrai de près le calendrier électoral et je verrai comment piéger discrètement le fichier électoral.
En réalité, la démocratie est une illusion politique. Le pouvoir sert le pouvoir et non le peuple. Et pour abjecte qu’elle soit, telle est ma conviction.
Cette conviction fondamentale, je l’ai tirée de deux convictions liées.
Le peuple a besoin de mythifier le guide pour le porter au pouvoir et l’y conserver, même contre ses intérêts. Donc, pour rester au pouvoir, le guide doit cultiver et entretenir le mythe en permanence. Cette exigence double en entraîne une autre : celle de se forger l’image d’un champion invincible.


- L’acte II du virus de la mal gouvernance, prochainement.


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06/06/2008
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