Les Erreurs du Gouvernement et de l’autorité de régulation
Directeur de Publication
RESEAU TELECOM NETWORK
J'ai
suivi depuis quelques semaines le bras de fer qui oppose l'Autorité Transitoire
de Régulation (ATR) aux deux opérateurs privés MTN Bénin, filiale du groupe
sud-africain MTN, et MOOV Bénin, filiale du consortium constitué par Etisalat,
un groupe Emirati, et Atlantique Télécom, un groupe africain. J'ai décidé
d'apporter un éclairage à l'opinion publique béninoise et de contribuer à ma
façon à l'édification d'un Bénin prospère longuement en proie à des dérives sociopolitiques
de tous genre. Je ne reviendrai pas sur les désagréments (politiques,
économiques et sociaux) causés par une telle situation et m'efforcerai de
rester indépendant sans aucun parti pris.
Par ma
fonction, je traite les problématiques des télécommunications en Afrique chaque
deux mois avec mon équipe rédactionnelle et via l'événement panafricain AFRICA
TELECOM PEOPLE que nous organisons chaque année pour célébrer l'excellence
africaine dans le secteur des télécommunications. Ma démarche vise par le biais
de cette contribution à situer et éclairer les uns et les autres afin de
favoriser un dénouement heureux à cette situation conflictuelle qui ne nous
honore pas et décourage l'investissement privé. Il est reproché aux opérateurs
MTN Bénin et Moov Bénin d'opérer des « rebranding » de leur marque
respective sans l'accord des autorités. D'après l'ATRPT, les mouvements de
capital au niveau de leur maison mère respective influerait sur leur
actionnariat et de ce fait constitueraient un non respect du cahier des charges
initial. L'ATR a également décidé d'augmenter le prix de la licence de 5 à 30
milliards de franc CFA.
Il y
deux ans, je me rappelle avoir participé à un séminaire à l'Hôtel Marina de
Cotonou sur le développement de la téléphonie rurale. L'une de mes conditions
de participation était de faire l'état des lieux du secteur sans langue de
bois. Mes différentes communications étaient orientées sur l'assainissement du
secteur des télécommunications au Bénin, via la mise en place impérative d'une Autorité
de Régulation autonome. J'ai exhorté les autorités béninoises à créer un
environnement réglementaire sain en conformité avec l'OHADA des
télécommunications qui venait d'être mis sur pied. Les opérateurs GSM privés
(Telecel, Areeba, BBcom) représentés au plus haut niveau à ce séminaire
aspiraient à la même chose. Ils étaient tous conscients du fait que leurs
différents investissements ne pouvait être sécurisés que dans un environnement
sain et régulé. La mise en place cette année d'une autorité de régulation
transitoire ne pouvait être que salutaire pour tous les professionnels du
secteur. Malheureusement, les derniers développements contredisent cet état de
fait.
Une
évaluation disproportionnée…
Chose
importante à savoir, la fixation du prix d'une licence d'exploitation GSM est
fortement liée à la taille du marché en valeur (voire
tableau annexe 2). A ce critère, il faut ajouter entre autre d'autres
indices de calcul qui permettent d'évaluer la profondeur du marché (son
taux de pénétration) ainsi que l'ARPU (Average Revenue Per User) et l'AMPU
(Average Marging Per User). Ces deux indices permettent à l'opérateur de
connaître par abonné son chiffre d'affaires ainsi que sa marge nette. La
décision de l'ATR de passer de 5 à 30 milliards de francs CFA pour le prix de
la licence GSM au Bénin est à mon avis disproportionnée. Cette décision
unilatérale est également perçue par les investisseurs privés comme une remise
en cause a posteriori de l'environnement juridique, ce qui à évidemment un
impact très négatif sur la réputation de notre pays.
Je
prends un exemple comparatif (voir
tableau annexe 1) entre deux pays de l'espace UEMOA,
Certes
le secteur a été très mal géré pendant ces dernières années, laissant le champ
libre à toutes sortes de fraudes et d'irrégularités, mais les opérateurs privés
ne doivent pas être les seuls comptables de ce sinistre. Il faut les encourager
à rester chez nous et renforcer l'image de notre pays, terre d'accueil, modèle
de démocratie et d'environnement d'affaires sécurisé. L'ATR doit revoir sa
position et jouer pleinement son rôle de modérateur afin de normaliser cette situation
qui ne l'honore pas et jette un discrédit sur le gouvernement actuel. Dans de
nombreux pays africains, la mise en place d'une autorité de régulation des
télécoms est un processus de 6 mois à 1 an qui prend en compte de nombreux
paramètres socioculturels et implique le recours à une expertise de haut
niveau. Ce n'est pas parce que l'ATRPT est une autorité transitoire qu'elle
doit faire fi de cette réalité.
Une
réaction légitime mais…
La
réaction des opérateurs MTN et Moov est légitime au regard du contexte dans
lequel ils ont de part et d'autre obtenu leur licence. Petit retour en arrière,
les licences au Bénin ont été attribuées à l'origine pour la modique somme de
120 millions de francs CFA. Il faut reconnaître que pendant cette période
c'était totalement irréaliste et incohérent de la part des autorités
béninoises. La situation a été normalisée il y a deux ans avec une augmentation
du prix de la licence à 5 milliards. Les opérateurs ont donc profités de
certaines années de confort dans un environnement non réglementé avec son
cortège d'avantages spéculatifs. Je pense qu'ils doivent tenir compte de cette
réalité dans les négociations avec l'ATR afin d'aboutir à une sortie honorable.
Un
projet de sortie de crise…..
Je
propose aux membres de l'ATR d'initier un groupe de réflexion, éventuellement
animé par un médiateur, avec les opérateurs concernés cette semaine afin de
trouver une solution de compromis. J'en profite pour donner des pistes de
réflexion devant permettre aux parties en conflit de trouver un dénouement
heureux au grand bonheur des usagers.
Proposition
1
L'ATR
revient sur sa position, et conserve le prix de la licence à cinq (5) milliards
de francs CFA. Par contre, elle crée un avenant aux contrats de licence qui lie
l'Etat du Bénin aux opérateurs GSM. Cet avenant s'articulera autour de
deux points majeurs : 1. Imposer une contribution sur le chiffre
d'affaires international réalisé par chaque opérateur. Dans certains pays
d'Afrique Centrale, ce cœfficient varie entre 2 et 3%. Ce montant, totalement
séparé du prix de la licence sera versé en fin d'exercice à l'ATR.
2.
Imposer une contribution sur le chiffre d'affaires national réalisé par chaque
opérateur. Dans certains pays d'Afrique, ce cœfficient varie entre 0,5 et 1%.
Ce montant, totalement séparé du prix de la licence sera versé en fin
d'exercice à l'ATR.
Cette
proposition a le mérite d'être en harmonie avec le prix de la licence comparé
aux pays voisins et crée par la même occasion une possibilité de ressources
supplémentaires à l'Etat béninois qui pourront se chiffrés à des centaines de
millions de francs CFA (ex : 1% du chiffre d'affaires annuel de l'ensemble
des quatre opérateurs GSM représente environ 1 Milliard de francs CFA. L'ATR
peut aussi imposer aux opérateurs, une contribution sous forme de taxes sur les
fréquences et sur usage de blocs de numéros qui appartienne à la puissance
publique. Le produit de ces différentes taxes permettra à l'ATR d'asseoir son
budget sans être financée par l'état ; il s'agit là d'une recommandation
de l'OHADA car elle renforce l'indépendance de l'autorité de régulation
vis-à-vis de l'Etat.
Proposition
2
L'Atr
revoit à la baisse le prix de la licence en accord avec les réalités de volumes
d'affaires générés dans le secteur au Bénin, et propose un échéancier de
règlement aux opérateurs. Un forfait annuel sera donc imposé aux opérateurs
afin de leur permettre de respecter leur obligation tout en conservant un
confort de trésorerie raisonnable. Le but de cette manœuvre va conforter l'ATR
dans sa position d'assainir le secteur et permettre aux opérateurs GSM privés
de bénéficier de leur droit tout en respectant leurs obligations.
J'invite
donc les protagonistes à définir ensemble de nouvelles règles de conduite pour
le bien être des usagers du GSM qui n'ont que trop souffert de la situation
actuelle. Il y va de l'image et de la crédibilité de l'Etat du Bénin et du sens
de la responsabilité des opérateurs GSM. Que chacun joue sa partition pour
le développement harmonieux des télécommunications au Bénin.
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