LES MÊMES CADRES SONT UN PEU COMME LES MÊMES CAUSES :
……………..avant,
quand vous ne vocifériez pas « Ehuzu ! Dandan ! », vous étiez contre révolutionnaire,
à détecter, isoler, neutraliser ou à envoyer en exil. Aujourd’hui, si vous n’avez
pas pour tout ce qui ressemble à un cauris les yeux de Chimène, vous êtes
catalogué opposant au changement, donc pratiquement voué aux flammes de
l’enfer. Avant, les dirigeants devaient tresser en permanence des lauriers au
super grand camarade de lutte. Aujourd’hui, un ministre qui, dans un discours
d’une page, ne dit pas « le Docteur Yayi Boni » une dizaine de fois a
sûrement l’impression de commettre un crime de lèse majesté. |
Très chers et fidèles lecteurs, j'espère que vous accepterez mes excuses pour vous avoir lâchés pendant quelque temps. Il est vrai que je vous avais expliqué les raisons de mon lâchage, à savoir que l'actualité nationale m'avait plongé dans le doute et dans une telle confusion mentale, qu'il m'était devenu impossible de continuer à faire des analyses avec objectivité ; Or, vous le savez, le sage a dit : « Dans le doute, abstiens-toi. »
Ce doute et cette confusion mentale étaient d'ailleurs les fils conducteurs de mes réflexions du 12 avril qui avaient pour titre : « DANGER ! LE YAYISME EST EN TRAIN DE DEVENIR DU MANICHEISME » La conclusion de ces réflexions était, je cite : « En un an à la tête du pays, Boni Yayi a donné plus de signaux forts, dans le sens du développement national, que n'importe lequel de ses prédécesseurs. Ces signaux souffrent, hélas !, d'une précipitation et d'une absence de méthode incompréhensibles. Et dire cela, ce n'est nullement faire de l'anti-yayisme primaire ou même secondaire ; dire cela, c'est refuser de s'enfermer dans le manichéisme dogmatique de quelques agités qui, certes, se positionnent aujourd'hui avec tapage aux avant-postes du changement, mais n'étaient guère visibles naguère, aux heures chaudes de la descente aux enfers du pays, quand il était question de se battre pour l'avènement dudit changement. » Fin de citation.
Ca, c'était en avril dernier. Depuis, il a coulé beaucoup d'eau sous les ponts béninois. Le manichéisme dogmatique a toujours cours, certes, mais il y a un danger plus grand qui guette le changement, c'est le culte que certains dans son entourage sont en train de faire mousser autour de la personne du chef de l'Etat.
A une certaine époque, en conclusion à l'une de mes analyses sur ce pays formidable qui est le nôtre, j'avais affirmé que quand Kérékou est au pouvoir, les Béninois deviennent bêtes. Je m'étais même permis d'ironiser qu'on pouvait attribuer ce phénomène au principe des vases communicants. Et je me souviens que je m'étais fait quelques ennemis à l'époque. En effet, ceux pour qui le Général était un génie, ne voulurent pas me pardonner d'insinuer que c'est le niveau très bas – donc très peu génial – du contenu de son vase, qui abaissait le niveau des vases de ses compatriotes communicant avec le sien.
Et pourtant, ce furent bien des Béninois qui, au début de la révolution, chantèrent le refrain selon lequel : « Kérékou ! Kérékou ! Baba wênou wé, kpo kankpo djêêê !!! » Ce furent toujours des Béninois qui, après cela, récitèrent pendant longtemps la litanie du « Grand camarade de lutte, Président de
Il serait difficile, en faisant le bilan de ces années-là, de dire que ces Béninois-là avaient fait preuve d'une très grande clairvoyance. Je n'avais donc point tort de d'ironiser que quand le Général était aux affaires, mes compatriotes faisaient preuve d'une grande absence de clairvoyance. Absence de clairvoyance qu'en termes clairs, on pouvait qualifier de bêtise.
Mais en vérité, les choses sont plus nuancées. Il est évident que nous, Béninois, n'avons pas la réputation d'être des gens irrémédiablement idiots. C'étaient donc des compatriotes qui nous faisaient passer pour des idiots, ne se privant pas de faire les idiots eux-mêmes. C'étaient nos cadres ; ceux qui entouraient Kérékou en tout cas, et lui faisaient croire sans arrêt qu'il conduisait le pays dans la bonne direction. On voit aujourd'hui où cette « bonne » direction a conduit le pays.
Loin de moi toute idée de vouloir saper le moral à Boni Yayi mais je crois devoir le prévenir, de façon solennelle, que son changement risque – s'il n'y prend garde – de connaître le même sort que la révolution d'octobre 72, ou le « gérer autrement » de mars 96. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, n'est-ce pas ? J'affirme pour ma part qu'au Bénin, ce sont les mêmes cadres qui produisent les mêmes dégâts. Effectivement, ce sont les mêmes qui étaient là, à la révolution ; les mêmes qui avaient aidé le Général à soit disant « gérer autrement » de 96 à 2001, puis à « aller plus loin » de 2001 à 2006 ; ce sont pratiquement les mêmes qui se positionnent encore aujourd'hui aux avant-postes du changement.
Il faut dire qu'il y a quelques jeunes turcs qui ont fait leur entrée dans la troupe. Malgré cela, les méthodes ne semblent guère avoir varié : avant, quand vous ne vocifériez pas « Ehuzu ! Dandan ! », vous étiez contre-révolutionnaire, à détecter, isoler, neutraliser ou à envoyer en exil. Aujourd'hui, si vous n'avez pas pour tout ce qui ressemble à un cauris les yeux de Chimène, vous êtes catalogué opposant au changement, donc pratiquement voué aux flammes de l'enfer. Avant, les dirigeants devaient tresser en permanence des lauriers au super grand camarade de lutte. Aujourd'hui, un ministre qui, dans un discours d'une page, ne dit pas « le Docteur Yayi Boni » une dizaine de fois a sûrement l'impression de commettre un crime de lèse-majesté. Le moindre responsable de l'Administration, qui fait la moindre annonce entrant dans le cadre de ses responsabilités les plus élémentaires, laisse entendre que cette annonce lui a été inspirée par le Docteur. Plus rien de bien ne se fait à présent dans le pays qui n'ait été, semble-t-il, décidé ou initié par le président de
Est-il nécessaire de préciser que la presse nationale, à quelques exceptions près, participe activement à cet abêtissement tous azimuts ? Tout un chacun a noté en effet, je crois, que certaines chaînes de télévision et certains organes de presse ont résolument rangé toute objectivité et tout professionnalisme au placard, et chantent la gloire et le génie du président avec une ferveur et une constance, je n'ose pas dire, dignes d'éloges. Alors, au vu de tout ceci, ne peut-on pas affirmer que l'histoire semble vouloir se répéter, à savoir qu'avec l'orientation que certains sont en train de donner au changement, les Béninois sont en train de redevenir bêtes ?
Cependant, il faut le dire, par rapport au passé, il y a une différence de taille : avant, le principe des vases communicants faisait que c'était Kérékou – qui manifestement, n'avait jamais eu le souci d'emmener son pays quelque part – c'était Kérékou, dis-je, qui abaissait le niveau. Aujourd'hui, je me risque à dire que ce sont les vases de l'entourage de Boni Yayi – qui, lui, ambitionne manifestement d'emmener son pays quelque part, même s'il semble ne pas encore très bien savoir comment – ce sont les vases communicants de l'entourage de Boni Yayi, dis-je, qui sont en train de rabaisser le niveau dans les autres vases.
Or, Yayi Boni, en dépit de son volontarisme indéniable, rêve en couleurs s'il prend pour argent comptant ce que cet entourage ne cesse de lui répéter, avec le concours actif de certains griots et d'une certaine presse, à savoir qu'il est le plus grand, le plus fort et le plus malin. Je l'ai dit tout à l'heure, les mêmes cadres produisent les mêmes dégâts. Je persiste et signe.
Comme je persiste et signe que l'on doit classer au nombre des dégâts, la précipitation et l'absence de méthode qui ont caractérisé les nombreux signaux forts donnés par le président depuis le début de son mandat. Je me contenterai de citer les plus emblématiques parmi les tout derniers signaux forts : 1 - le prochain lancement du service militaire, 2 - la suspension des réseaux GSM Moov et Areeba et 3 - la décision, à moins d'un mois du jour J, de fêter le 1er août à Abomey. Il est pour moi évident que des cadres et autres conseillers, qui n'ont pour toute occupation ou préoccupation que de chanter au président qu'il est le plus malin, le plus grand et le plus fort, ne peuvent pas avoir le courage de lui signaler que ce projet de service militaire aurait gagné à être élaboré et lancé avec plus de précautions et moins de précipitation. La même précipitation et absence de précautions qui se révèlent aujourd'hui préjudiciables aux milliers d'abonnés des réseaux GSM suspendus et à l'économie nationale ; la même précipitation qui se révèle préjudiciable à l'organisation rationnelle de la fête nationale à Abomey.
Loin de moi, ai-je dit, toute idée de vouloir saper le moral à Boni Yayi, mais son changement risque de connaître le même sort que la révolution d'octobre 72 ou le « gérer autrement » de mars 96, toutes proportions gardées, bien entendu. L'explication, c'est qu'au Bénin, les mêmes cadres sont comme les mêmes causes. Le hic, c'est que les mêmes causes produisent les mêmes effets, alors que les mêmes cadres, eux, produisent les mêmes dégâts.
C'est ce que je crois.
T.L.F.
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