"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

L’étrange destin d’un pays étrange


La Chronique de Jérome CARLOS

Dans quel pays sommes-nous où tout ce qui est, partout et pour tous, universellement blanc peut, à tout moment, prendre une toute autre couleur ? Les spécialistes désignent sous l’appellation de daltonisme l’anomalie de la vue qui consiste dans l’absence de perception de certaines couleurs ou dans la confusion de couleurs. Sommes-nous, au vrai, des daltoniens ou jouons-nous les daltoniens ? De deux choses, l’une.

Appelons à notre attention et à notre examen trois cas, trois situations. Leur caractère bizarre et singulier saute aux yeux, du moins aux yeux des non daltoniens. Quand on n’est pas malade, quand la vue n’est pas altérée et qu’on ne voit pas de travers, ces trois cas et situations défient tout bon sens. Mais il se trouve que ces trois cas et situations, apparemment et malgré tout, n’ont l’air d’étonner, d’émouvoir personne. Indifférence ? Force de l’habitude ? Accommodation à la bêtise humaine ou compromis avec le diable ?

Premier cas. Depuis le 12 août 2007, le championnat national de football a pris fin. Mais, au jour d’aujourd’hui, soit soixante-douze jours après cette date, reste encore inconnu le club gagnant, c’est à dire le club de football champion national du Bénin au titre de la saison 2006-2007. Pourtant des clubs se sont se confrontés, dans le cadre d’un championnat. Le système d’attribution des points est connu de tous et il suffit qu’on procède à un simple classement, les meilleurs devant les autres après, et le tour est joué. Aussi simple que de savoir le nombre des matches joués, les matches gagnés, les matches perdus et les matches nuls, le tout affecté du goal différence de chaque club. Point n’est besoin de sortir de l’Université d’Abomey-Calavi pour se montrer apte à conduire un tel exercice.

La Fédération béninoise de football ne s’émeut pas outre mesure qu’un championnat qu’il a organisé et qu’il a conduit de bout en bout n’ait pas encore rendu son verdict, soixante-douze jours après qu’il eut été clos. Tout ceci au nez et à la barbe des autorités gouvernementales de tutelle, des responsables des clubs, de la foule des supporters, des responsables de la Confédération africaine de football (Caff), de ceux de la Fédération internationale du football association (Fifa). Tout le monde voit. Mais personne ne souffle mot.

Le Bénin doit certainement être le seul pays de la planète terre où ce n’est pas sur le terrain, sur le rectangle vert comme on dit, que se conclut un championnat national de football. Mais plutôt dans les bureaux, sur le papier, à la suite de mille et une figures d’acrobatie. Et l’on veut quoi et l’on veut aller où après tant de contorsions ? Quel choix nous laisse-t-on ? Que nous applaudissions à tout rompre le champion désigné au terme de cette obscure alchimie ou que nous pleurions sur un football qui, avec de telles pratiques, ne peut espérer s’ouvrir les chemins d’un avenir heureux et prometteur ?

Deuxième cas. Des milliers de Béninois et de Béninoises se doivent, en ce moment même de se déclarer apatrides, c’est à dire légalement dépourvus de la nationalité béninoise, à défaut d’être reconnus tels par les structures officielles compétentes. Ils sont en effet nombreux, très nombreux ceux de nos compatriotes qui ne peuvent pas renouveler leur carte d’identité et établir ainsi la preuve de leur appartenance à la communauté nationale.

Le renouvellement de la carte d’identité dans notre pays est soumis, depuis quelque temps, à une exigence : prouver à nouveau sa nationalité béninoise, en produisant l’original de son acte de naissance, le volet dit 1. Une telle pièce est censée condenser tous les éléments portant déclaration de naissance du requérant depuis la maternité et à sa naissance. On peut comprendre, à travers une telle exigence, le souci de freiner ou de décourager tous les malandrins et autres petits trafiquants qui, en un tour de main, s’octroient la nationalité béninoise.

Un souci noble certes, mais qui ne peut empêcher de relever pour les souligner, les responsabilités engagées. Sommes nous sûrs de disposer d’archives fiables, bien classées et bien conservées, aussi utiles qu’opérationnelles au service de l’usager ? Il y a peu de chance qu’un fleuve, tari à sa source, sevré sur son parcours, ait assez d’eau pour atteindre l’embouchure. Comme on fait son lit on se couche, dit le proverbe.

Tous nos compatriotes que nous mettons ainsi en situation difficile, incapables de disposer du document qui leur donne une existence nationale légale et qui leur assure une appartenance légitime à la communauté nationale, sont pour la plupart d’innocentes victimes. Victimes de nos négligences. Victimes de nos laxismes. Nos archives non organisées, mal conservées, est-ce leur faute ? Commençons par être conséquents pour éviter d’être inutilement méchants.

Troisième et dernier cas. Le nouveau bâtiment de la présidence de la République doit être équipé. L’appel d’offre pour ce faire, au titre de l’ameublement, exclut les soumissionnaires nationaux. Ceux-ci, compte tenu de leur surface socioprofessionnelle, auraient pu difficilement justifier du chiffre d’affaires de 300 millions de francs CFA exigé. Une exclusion en règle, par l’argent. Ce que voyant, le chef de l’Etat demande l’annulation pure et simple de l’appel d’offre et la reprise à zéro de la procédure. Mais, il se trouve des gens, en charge de ce dossier, qui ne veulent pas obtempérer aux injonctions du patron. Dans quel pays sommes-nous donc où le premier venu peut afficher la prétention d’être plus Pape que le Pape ? Une option, de toute évidence, pas très catholique !

Jérôme Carlos
La chronique du jour du 24 octobre 2007



25/10/2007
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