L’étrange destin d’un pays étrange
Dans quel pays
sommes-nous où tout ce qui est, partout et pour tous, universellement blanc
peut, à tout moment, prendre une toute autre couleur ? Les spécialistes
désignent sous l’appellation de daltonisme l’anomalie de la vue qui consiste
dans l’absence de perception de certaines couleurs ou dans la confusion de
couleurs. Sommes-nous, au vrai, des daltoniens ou jouons-nous les daltoniens ?
De deux choses, l’une.
Appelons à notre
attention et à notre examen trois cas, trois situations. Leur caractère bizarre
et singulier saute aux yeux, du moins aux yeux des non daltoniens. Quand on
n’est pas malade, quand la vue n’est pas altérée et qu’on ne voit pas de
travers, ces trois cas et situations défient tout bon sens. Mais il se trouve
que ces trois cas et situations, apparemment et malgré tout, n’ont l’air
d’étonner, d’émouvoir personne. Indifférence ? Force de l’habitude ?
Accommodation à la bêtise humaine ou compromis avec le diable ?
Premier cas.
Depuis le 12 août 2007, le championnat national de football a pris fin. Mais,
au jour d’aujourd’hui, soit soixante-douze jours après cette date, reste encore
inconnu le club gagnant, c’est à dire le club de football champion national du
Bénin au titre de la saison 2006-2007. Pourtant des clubs se sont se
confrontés, dans le cadre d’un championnat. Le système d’attribution des points
est connu de tous et il suffit qu’on procède à un simple classement, les
meilleurs devant les autres après, et le tour est joué. Aussi simple que de
savoir le nombre des matches joués, les matches gagnés, les matches perdus et
les matches nuls, le tout affecté du goal différence de chaque club. Point
n’est besoin de sortir de l’Université d’Abomey-Calavi pour se montrer apte à
conduire un tel exercice.
Le Bénin doit
certainement être le seul pays de la planète terre où ce n’est pas sur le
terrain, sur le rectangle vert comme on dit, que se conclut un championnat
national de football. Mais plutôt dans les bureaux, sur le papier, à la suite
de mille et une figures d’acrobatie. Et l’on veut quoi et l’on veut aller où
après tant de contorsions ? Quel choix nous laisse-t-on ? Que nous
applaudissions à tout rompre le champion désigné au terme de cette obscure
alchimie ou que nous pleurions sur un football qui, avec de telles pratiques,
ne peut espérer s’ouvrir les chemins d’un avenir heureux et prometteur ?
Deuxième cas. Des milliers de Béninois et de Béninoises se doivent, en ce moment même
de se déclarer apatrides, c’est à dire légalement dépourvus de la nationalité
béninoise, à défaut d’être reconnus tels par les structures officielles
compétentes. Ils sont en effet nombreux, très nombreux ceux de nos compatriotes
qui ne peuvent pas renouveler leur carte d’identité et établir ainsi la preuve
de leur appartenance à la communauté nationale.
Le renouvellement
de la carte d’identité dans notre pays est soumis, depuis quelque temps, à une
exigence : prouver à nouveau sa nationalité béninoise, en produisant l’original
de son acte de naissance, le volet dit 1. Une telle pièce est censée condenser
tous les éléments portant déclaration de naissance du requérant depuis la
maternité et à sa naissance. On peut comprendre, à travers une telle exigence,
le souci de freiner ou de décourager tous les malandrins et autres petits
trafiquants qui, en un tour de main, s’octroient la nationalité béninoise.
Un souci noble
certes, mais qui ne peut empêcher de relever pour les souligner, les
responsabilités engagées. Sommes nous sûrs de disposer d’archives fiables, bien
classées et bien conservées, aussi utiles qu’opérationnelles au service de
l’usager ? Il y a peu de chance qu’un fleuve, tari à sa source, sevré sur son
parcours, ait assez d’eau pour atteindre l’embouchure. Comme on fait son lit on
se couche, dit le proverbe.
Tous nos
compatriotes que nous mettons ainsi en situation difficile, incapables de
disposer du document qui leur donne une existence nationale légale et qui leur
assure une appartenance légitime à la communauté nationale, sont pour la plupart
d’innocentes victimes. Victimes de nos négligences. Victimes de nos laxismes.
Nos archives non organisées, mal conservées, est-ce leur faute ? Commençons par
être conséquents pour éviter d’être inutilement méchants.
Troisième et dernier cas. Le nouveau bâtiment de la présidence de
Jérôme Carlos
La chronique du jour du 24 octobre 2007
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