Réveillons - nous
Plaidoyer pour des politiques communes
Chère Dida,
Les enjeux majeurs et sources de conflits mondiaux des prochaines décennies pour les nations, résident dans l’approvisionnement en eau, en nourriture et en énergie. La bataille stratégique a commencé au regard des positionnements des pays occidentaux et des pays émergents, la Chine et l’Inde en tête.
Dans cette partie d’échec qui s’annonce, quelle stratégie gagnante pour l’Afrique noire ?
D’abord l’évidence : l’Afrique noire va en rang dispersé à la bataille. Certes, elle a des institutions communautaires budgétivores, inefficaces et complètement inutiles. Certes, elle signe sans vraiment réfléchir, des accords ficelés ailleurs, supposés équitables et susceptibles de la sortir du bourbier de la pauvreté.
Certes, elle se rend toujours compte a posteriori qu’elle s’est fait rouler dans la farine ; qu’elle paie un lourd tribu économique et social des expérimentations hasardeuses conçues par des experts qui ne sont pas payés aux résultats. Mais n’empêche, elle semble n’avoir tiré aucun enseignement de ses expériences !
En effet, les pays africains au sud du Sahara n’ont pas une Politique commune d’approvisionnement en eau, ni une Politique alimentaire commune, pas plus qu’une Politique énergétique commune. Et pourtant, ils devraient ! Puisqu’en réalité, une politique commune est toujours le point de départ d’une intégration régionale.
L’inverse n’est pas vrai. Une politique commune permet de tirer les pays signataires vers le haut à condition qu’elle soit vertueuse. Et la vertu dans une telle politique, repose sur trois pierres angulaires :
l’autofinancement, la solidarité et la préférence communautaire.
D’abord l’autofinancement. Il constitue le budget communautaire destiné au financement de la politique commune et provient des cotisations des Etats membres. Il est par conséquent complètement exclu et inconcevable, que ce budget dépende d’un financement externe à la communauté. Il est tout aussi inconcevable, que des Etats membres ne s’acquittent pas de leurs participations ou accusent des retards dans cet exercice de base.
Le budget de financement d’une politique commune doit absolument revenir à un fonds destiné à cette fin. Nul besoin d’ériger une structure administrative lourde, inefficace et budgétivore. C’est le premier piège à éviter dorénavant par les pays africains. Tant pis pour les arrivistes à la recherche d’un point de chute pour leurs beaux jours. Tant mieux pour la cause commune, les populations et surtout les générations futures.
Ensuite la solidarité. Elle est la raison d’être du vivre ensemble. Une politique commune vient en soutien aux initiatives nationales de son champ d’attribution. En cela, elle doit être généreuse et solidaire là où le besoin se fait le plus sentir et ceci dans l’intérêt de la communauté.
En effet, une politique commune doit tenir compte des effets bénéfiques induits par le phénomène de rattrapage pour l’ensemble de la communauté. Ceci est vrai pour les infrastructures de transport, les connexions énergétiques (électriques et gaz) comme pour d’autres secteurs vitaux.
Enfin, troisième et dernière pierre angulaire d’une politique commune vertueuse : la préférence communautaire. Elle va de soi, mais n’est pas automatique. Et pourtant, la préférence communautaire contribue au renforcement de l’intégration régionale à travers l’intensification des échanges intra-communautaires. Elle préserve des réflexes protectionnistes en cas de crise, par exemple alimentaire pour ne citer que la dernière en date.
Il est tout fait surprenant et inquiétant, que face aux problèmes majeurs d’approvisionnement en eau, d’alimentation et d’approvisionnement énergétique, quelques pays d’Afrique subsaharienne ne prennent l’initiative de politiques communes responsables et salutaires.
Ils sont peut-être plus préoccupés par la signature prochaine des accords de partenariats économiques (APE), encore un machin venu d’ailleurs, qui fera de leurs pays, des débouchés naturels des produits européens avec les conséquences prévisibles que l’on sait : concurrence déloyale, asphyxie d’un secteur industriel encore embryonnaire, régression économique et sociale.
L’heure est venue pour les Africains de penser autrement leur avenir.
Ceci passe par la mise en place par des pays pionniers, de véritables politiques communes dans des secteurs vitaux et stratégiques comme l’eau, l’agriculture, les matières premières et l’énergie. Mais attention à ne pas galvauder cette nouvelle approche de politique commune ! L’expérience désastreuse des institutions communautaires africaines suffit. Telle est ma conviction.
Vendredi prochain, place à la nécessaire et souhaitable politique énergétique commune entre le Bénin et ses voisins. D’ici là, portes-toi bien.
Par Edgard VODOUHE
Professeur de Finance, Université Paris 12
Spécialiste de la Gestion alternative
Risk Manager, Luxembourg
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