"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

riche et magouille :

Le Professeur Albert Tévoèdjrè en rébellion contre la Cour Constitutionnelle


Écrit par La Nouvelle Tribune du 17/06/2008   

La Cour Constitutionnelle présidée par Mme Conceptia OUINSOU a été amenée à la fin de son mandat à examiner la conformité à la Constitution du décret n°2006 – 417 du 25 Août 2006 portant création, attribution, organisation et fonctionnement de l’organe présidentiel de médiation. (OPM).

La question à trancher était relativement simple. Le Président de la République peut- il en vertu de la constitution, créer par décret l’organe présidentiel de médiation et lui confier des attributions qui relèvent exclusivement du législateur ?

A cet égard, la décision de la Haute Juridiction peut revêtir une grande importance dans la mesure où c’est l’esprit de notre constitution qui est en cause.

Mais, avant d’aller plus loin, il est nécessaire d’insister sur deux points qui nous paraissent préoccupants.

Le premier est relatif à un simple constat que le citoyen ordinaire a pu faire : celui de la capacité de la Cour Constitutionnelle à résoudre dans un délai extrêmement bref, certains problèmes juridiques très complexes (par exemple, la suspension de l’exécution des décisions de justice) et à laisser pendant vingt et un (21) mois ( le recours contre le décret créant l’Opm date de septembre 2006 ) d’autres problèmes juridiques simples et moins complexes.

Le second point concerne le caractère de tricherie et de magouille que recèle la démarche du Professeur Albert TEVOEDJRE. En effet, tout laisse croire que c’est bien après la réponse de Mr Edouard A. OUIN – OURO, directeur adjoint de cabinet civil du Président de la République aux mesures d’instructions ordonnées par la Cour Constitutionnelle que le Professeur Albert TEVOEDJRE a transmis dans la précipitation en mars 2008, un autre texte à la signature du Chef de l’Etat pour réorganiser l’organe Présidentiel de médiation. Il s’agit là d’une démarche indigne et immorale qui disqualifie quelqu’un qui prétend au poste de médiation dans un Etat de droit. La démarche est immorale parce qu’elle induit délibérément le Chef de l’Etat en erreur et jongle pour sauver uniquement des intérêts personnels au détriment de la République.

Cela étant, et au-delà des manœuvres qui visent manifestement à ne pas examiner dans le délai constitutionnel de trente (30) jours, la requête des requérants, ou à induire de façon délibérée le Chef de l’Etat en erreur, c’est l’attitude du Professeur Albert TEVOEDJRE qui nous paraît très inquiétante et menaçante pour l’Etat de Droit et notre démocratie.

En effet, le «médiateur» Albert TEVOEDJRE, en réaction à la décision unanime des sept juges constitutionnels est intervenu sur plusieurs chaînes de télévision privées pour faire des mises au point et informer l’opinion publique béninoise que le décret querellé (appelé par lui décret de lancement de l’OPM) n’est plus en vigueur et qu’entre temps, le Chef de l’Etat aurait pris un autre décret pour redéfinir la mission de l’organe présidentiel de médiation. Mais le Professeur ne nous dit pas en quoi la nouvelle mission de l’organe présidentiel de médiation est fondamentalement différente de la précédente.

Il ne s’agit pas dans le cas d’espèce d’une affaire de décret. L’autorité attachée aux décisions de la Cour Constitutionnelle s’étend non seulement au dispositif, mais aux motifs qui en sont le soutien nécessaire.

L’attitude du Professeur Albert TEVOEDJRE marque incontestablement, le franchissement d’un degré de rébellion quant au respect dû aux décisions de la Cour Constitutionnelle.

De l’exposé des solutions adoptées dans cette jurisprudence, il se dégage un certain nombre de principes relatifs à la création, à l’organisation et au fonctionnement de l’organe présidentiel de médiation.

Dans un considérant de principe, la Haute Juridiction juge que» l’organe présidentiel de médiation, bien que déclaré placé sous l’autorité directe du Chef de l’Etat… n’en demeure pas moins, dans son organisation, son fonctionnement et ses attributions une administration autonome ; qu’une telle administration ne peut être créée que par la loi…».

On déduit de cette formule que la Haute Instance a déterminé la compétence législative. La décision de la Cour Constitutionnelle marque que non seulement le législateur est compétent pour créer l’organe présidentiel de médiation, mais aussi pour définir le cadre et les principes de fonctionnement. Ce n’est donc pas un problème de décret ; c’est un problème de fond, une question substantielle disent les juristes.

La violation de la constitution peut être aussi observée lorsque la Haute Juridiction constate «qu’en disposant comme il l’a fait, … il y a violation des dispositions de l’article 114 et 117 de la constitution selon lesquelles la Cour Constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publiques».

Ce qui, au-delà de cette affaire, donne un intérêt à la décision de la Cour Constitutionnelle, c’est bien évidemment l’affirmation de l’autorité de la chose jugée des décisions de la Cour Constitutionnelle et des conséquences qui en découlent.

Le Professeur Albert TEVOEDJRE veut-il refuser aux décisions prises par la Cour Constitutionnelle, le caractère juridictionnel entraînant, aux termes de l’article 124 d’une décision qui n’est susceptible d’aucun recours ? La décision de la Cour Constitutionnelle a une autorité absolue de la chose jugée ; elle s’impose à toutes les autorités politiques, administratives et à tous les tribunaux judiciaires et administratif de notre pays.

Les principes généraux de la procédure sont applicables dans le cas d’espèce au nouveau décret puisqu’il s’agit de la même cause et du même objet.

Dans plusieurs décisions assez récentes (RAVEC ; Suspension des décisions de justice) ; la Cour Constitutionnelle a déclaré les décrets pris par le Président de la République contraires à la Constitution. Le Président de la République, Chef de l’Etat s’est incliné. Il n’a pas posé d’autres actes pour continuer le même objet (le RAVEC par exemple).

L’Assemblée Nationale généralement frondeuse s’acquitte le plus souvent même avec célérité de son obligation de rendre Constitutionnelle une loi ordinaire censurée par la Cour Constitutionnelle.

Quelle que soit l’hypothèse à retenir, la contestation de la décision de la Cour Constitutionnelle est un mauvais exemple, un coup porté volontairement à notre loi fondamentale.

Les proclamations de foi à respecter les décisions de la Cour Constitutionnelle ne doivent pas conduire à ne pas les appliquer parce que les motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif ont aussi une autorité de chose jugée.

Le Professeur Albert TEVOEDJRE doit tirer toutes les conséquences de la décision DCC – 08 – 66 de la Cour Constitutionnelle et fermer les portes de l’organe présidentiel de médiation jusqu’au vote d’une loi.

Il y va de l’affirmation de l’Etat de droit et du respect de notre Constitution.

Issa Souleymane BOUKARI



18/06/2008
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