"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Suppression des concours d’entrée dans les écoles et instituts :

Le gouvernement signe l’arrêt de mort du système éducatif béninois

On croyait avoir déjà tout vu avec le gouvernement béninois mais apparemment, on n’est pas sorti de l’auberge. Il vient d’interdire l’organisation de concours pour entrer dans les écoles et instituts des universités du Bénin. A priori l’idée semble intéressante mais il y a beaucoup de questions que cela suscite. Si la sélection devra se faire sur la base des notes obtenues au baccalauréat, que va-t-on faire des étudiants qui brillent en classe et qui par simple coup du sort n’arrivent pas à retrouver leur rythme le jour de l’examen ? N’ont-ils pas eux aussi le niveau d’entrer dans une école ou dans un institut ? Doit-on supprimer l’organisation des concours pour des raisons de réduction de coût ? L’éducation n’a-t-il pas un prix ? La précipitation avec laquelle cette décision a été prise semble être le début de la fin de l’Excellence au Bénin.

On peut expliquer que les systèmes anglo-saxons s’embarrassent très peu de ce principe de concours mais jusqu’à preuve du contraire, le Bénin reste et demeure un pays francophone qui imite ridiculement la France avec toutes ses traditions éducatives parfois trop lourdes et trop encombrantes. Mais le fait de vouloir rompre avec la tradition francophone n’exonère pas les experts du système éducatif béninois de prendre le temps d’expérimenter et d’analyser à fond les tenants et les aboutissants d’une telle mesure. La qualité d’un pays se mesure parfois à la qualité intellectuelle de ses ressortissants. Et dans ce domaine, le Bénin malgré tout était en avance sur bien des pays dans la sous-région ouest-africaine. Mais depuis quelques années, on enregistre des fuites d’épreuves à tous les examens et à tous les niveaux. Et le bac n’en fait pas exception. On peut imaginer aujourd’hui, le sourire en coin de tous les pays qui à juste titre enviaient à l’époque, notre système éducatif. Décider subitement qu’il n’y aura plus de concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration, à l’Institut National d’Economie, ou au Collège Polytechnique Universitaire relève tout simplement de la folie et démontre encore une fois que les nouvelles autorités politiques du pays en faisant du zèle comme ils le font habituellement donnent dans l’impréparation et le méli-mélo. Le fait de faire un concours d’entrée dans ces écoles et instituts donne un certain crédit et un grand prestige au diplôme et à la formation. Imaginez que les autorités françaises se lèvent un jour et décident qu’il n’y aura plus de concours d’entrée à l’ESJ (L’Ecole Supérieur de Journalisme de Lille ou de Paris), à Sciences-po (l’Institut d’études politiques - IEP - de Paris), à l’ENA (l’Ecole Nationale d’Administration), à Polytechnique, à Normal Sup. ou à HEC ! Une telle décision déclencherait incontestablement un branle-bas général à l’échelle du pays. Incontestablement.

Un assassinat cruel

Le silence des Béninois en général et celui de la presse nationale, de l’opposition et de la société civile en particulier sur la question, montrent à quel point Yayi Boni domine et maîtrise le pays. Toute réforme, même s’il est juste, nécessite des préalables tels que l’étude de faisabilité, la réception et l’analyse des conséquences éventuelles d’un fiasco. Mais dans le cas de cette décision qui ne résulte que d’un petit séminaire de quelques jours, on voit mal comment en si peu de temps, elle peut tenir compte des paramètres importants et nécessaires avant sa mise en exécution. La raison que le gouvernement béninois met en avant pour justifier cette suppression est la réduction les coûts d’organisation desdits concours qui s’élèvent à environ 229 millions de FCFA (pour l'année 2007) et l’augmentation dans le même temps du nombre de boursiers. Est-ce que normalement la question devrait se poser en ces termes dans un pays qui se respecte ? Doit-on réformer pour réformer ? Se servir des coûts d’organisation de concours pour octroyer des bourses aux bacheliers méritants ne s’apparente en rien à une générosité gouvernementale. C’est ni plus ni moins un assassinat cruel du système scolaire béninois au moment où le discours sur l’hypothétique «pays émergent» devient de plus en plus musclé avec son corollaire de démagogie. Le gouvernement sénégalais qui investit 40% de son budget dans l’éducation a-t-il besoin de supprimer l’organisation des concours pour prétendre faire des économies ? On veut faire croire aux Béninois que le nouveau mécanisme permettra de soulager les candidats aux concours nouvellement sortis du piège du bac déjà trop «corsé», en leur évitant le stress supplémentaire lié aux épreuves des concours. L’argument est totalement creux, expéditif et ne convainc personne. Tout le monde sait que le prestige de ces écoles et instituts est dû au fait que le processus de sélection est rigoureux et crédible. On ne va pas à un concours comme on va un examen. Le concours requiert tout le potentiel intellectuel de l’étudiant. Si tant est qu’il est urgent de faire des réformes pourquoi ne pas faire entrer dans ces écoles et instituts certains étudiants ayant obtenu de bonnes notes au Bac en termes de privilégiés tout en maintenant l’entrée par voie de concours ? Il n’est pas normal de suspendre les concours d’entrée dans les instituts et écoles des universités du Bénin. Un concours permet de jauger non seulement l’intelligence d’un étudiant mais sa capacité de réactivité et de réflexion en un temps record. Les psychologues vous diront que le concours prépare à la vie professionnelle de l’étudiant. Il est donc regrettable de constater que l’arrogance du gouvernement de Yayi Boni n’a pas de limite. L’échec scolaire enregistré dans les divers examens cette année est un record qu’il battra encore l’année prochaine. Les amateurs du Changement sont toujours sous le charme. On attend la prochaine suppression. Peut-être que bientôt, on ne devra plus passer l’examen du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) pour aller au second cycle. Et après, quand tout le système éducatif béninois aura perdu toutes ses lettres de noblesse, tout le monde sera enfin content pour y avoir souscrit.



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31/08/2007
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