"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

  Manœuvres en préparation pour la mort de l’institution tinal

Le Ma27 mai 2008
Les urnes ont officiellement révélé depuis le mardi 20 mai dernier, les secrets des élections locales au Bénin. Faisant des heureux, des moins heureux et des déçus. Le temps est peut-être donc venu de s’appesantir sur ce qui a bien marché au cours de ce scrutin et sur ce qui l’a moins été, notamment l’organisation proprement dite du vote par la Cena. Et d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

 

La Commission électorale nationale autonome (Cena) de Pascal Todjinou a été confrontée à des problèmes, c’est un fait. Mais la question qu’on peut se poser aujourd’hui est de savoir si les difficultés auxquelles a été confrontée la Cena 2008 sont dues à la complexité de cette double élection (municipale et locale) ; ou plutôt s’il s’est agi de difficultés nées d’une volonté délibérée, d’un plan savamment orchestré et prémédité pour que ces élections en soient ainsi. La question mérite réflexion. Et à y regarder de près, la seconde interrogation est moins invraisemblable et plus crédible qu’elle n’y apparaît à première vue. En effet, certains évènements qui se sont déroulés au plan national, pendant tout le processus d’organisation de ces élections, jusqu’à la proclamation des résultats et les différentes contestations de ces mêmes résultats, autorisent quelques soupçons. Et on est en droit de croire qu’il y a eu derrière l’organisation des élections locales, des esprits malins qui avaient d’autres ambitions que celle de faire des élections transparentes et crédibles. Il y a d’abord eu le blocage manifeste du processus d’élection des membres du bureau de la Cena. Par deux fois, la Cour suprême a dû intervenir pour la reprise de l’élection du président de la Cena Pascal Todjinou. Par deux fois, on a perdu du temps pour rien, en fait. C’est la troisième fois que Pascal Todjinou a finalement été accepté par les autres membres désignés par l’alliance Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), groupe de la majorité présidentielle. De mémoire d’homme, cet épisode dans le fonctionnement de la Cena 2008 ne s’est jamais produit au Bénin pendant les 18 ans de mise en œuvre de la démocratie. Cela avait fini par exaspérer l’opinion publique. Ensuite ce fut l’autonomie de la Cena qui a été fortement mise à mal par le ministre de l’Economie et des Finances Soulé Mana Lawani. D’autres difficultés presque inédites. Un régisseur et un délégué du contrôle ont été flanqués au président Todjinou et à son Coordinateur au budget par le ministre des finances Michel Makpénon. Une autre grande première dans l’histoire des Cena au Bénin. Un cas de figure que la Cour Constitutionnelle vient de désapprouver selon la presse. Le troisième acte qui pousse à penser autrement dans la situation actuelle des élections de 2008 a été le discrédit jeté sur les membres de la Cena. Todjinou et ses collègues seraient incompétents pour lancer des appels d’offres, ils auraient octroyé des marchés à des opérateurs économiques peu crédibles et patati patata, et tutti quanti. Quant au quatrième volet de la stratégie mise en place pour atteindre le but visé, la mauvaise organisation des élections, il a consisté à la publication prématurée des résultats dans certains journaux. Des résultats parfois tronqués. On sait ce à quoi cette situation a amené. Le dernier acte fut la contestation des résultats proclamés par la Cena. 98% des contestataires sont des candidats Fcbe. Et ce n’est par un hasard. Ce ne peut pas être un hasard. Certains hommes politiques estiment aujourd’hui qu’il faut retirer l’organisation des élections à la Cena et les confier au ministère de l’Intérieur. Pour ce faire, il faut créer des embrouilles à la Cena 2008, non pas pour qu’elle n’organise pas les élections, mais pour discréditer l’institution auprès de l’opinion nationale. A partir de ce moment-là, ils brandiront ces cafouillages pour exiger que les prochaines élections se fassent sous la coupe du ministère de l’Intérieur. Le but final visé en réalité. Et ce dernier volet sera mis en œuvre dans les prochains jours.

Boubacar Boni Biao