"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Le Janus de Tchaourou

 Jeudi, 20  Avril 2006

 Alain Kisito

Djrègbé et Djakotomey ont leur renard, voici Tchaourou qui adopte son Janus. Ce Dieu de la mythologie romaine au double visage s'est réincarné en la personne de Thomas Boni Yayi.  Le nouveau président béninois qui présente à ses interlocuteurs, en l'occurrence aux  hommes politiques, un visage candide et innocent, détient un autre faciès qui résume, à lui seul, la profondeur de sa véritable identité.

Un stratège qui bénéficie de son délai de grâce pour prendre ses distances avec des politiciens qui lui font de l'ombre. Le crible de son premier gouvernement en témoigne. Le chef de l'Etat béninois a certes réussi la prouesse de nommer des hommes qui n'ont jamais détenu un portefeuille ministériel de leur vie. Mais cela suffit-t-il  pour lui décerner l'acmé de la palme de satisfecit ? 

Thomas Boni Yayi n'est pas l'enfant de cœur qu'il nous laissait croire. Il a réglé comme du papier à musique la composition de son exécutif. Les sorties des associations de Zémidjan tout comme celles des consommateurs et des jeunes à quelques jours d'intervalles de l'officialisation du cénacle gouvernemental n'est pas si innocent. Les articles publiés dans la presse pour anathématiser tel ou autre chef de parti, participent de cette stratégie à préparer l'opinion et surtout les politiques écartés à faire contre mauvaise fortune bon coeur.

Mieux, les ministres issus des partis ne sont pas, pour la plupart, les candidats proposés par leur chapelle politique. Madame Rosine Vieira Soglo n'a eu ses yeux que pour pleurer. Sa déception est à la mesure de sa quasi-certitude de voir les siens siéger à la table du Conseil des ministres. On me dira que Thomas Boni  Yayi n'a fait que répondre aux aspirations du peuple béninois, qui voudrait en finir pour de bon avec la classe politique. Un avis que je partage, mais avec circonspection.

Il me semble que  Yayi Boni a dû s'accouder sur des barrons  politiques et non pas des moindres pour rendre crédible sa candidature, dès le premier tour.  Maître Lionel Agbo, en 1996, aurait certainement fait un score très honorable s'il avait eu les faveurs des caciques de la marre politique béninoise. Depuis plus de dix ans, il ne fait que rengainer la même mélopée :   celle d'une gestion saine des ressources publiques. Sauf que des réseaux politiques comme financiers lui ont fait défaut.

Au demeurant, ma crainte est de voir Yayi Boni, triomphalement élu, s'aliéner les sympathies du landerneau politique et répandre, ce faisant, en gâchis l'espoir placé en lui.  Car n'oublions pas que le Bénin continue par demeurer une terre d'élection de « démocratie ethnique ».  Les leaders régionaux ont gardé intacts leurs fiefs électoraux. Il faudrait qu'il évite à tout prix le syndrome Nicéphore Soglo. Ce mal qui a terrassé un président au bilan économique reluisant, mais politiquement peu  intelligent pour bénéficier d'un second mandat.

Car déjà, des bruits courent à Cotonou sur le nouveau chef de l'Etat. S'il a réussi à choisir ses collaborateurs gouvernementaux, sans se plier aux injonctions des barrons politiques, ce n'est évidemment pas le cas des milieux d'affaires qui ont financé à coups de milliards sa campagne électorale. L'homme fort du pouvoir en place ne serait pas Yayi Boni, mais un gros magnat du coton recherché dans la sous région pour des malversations. C'est probablement ce dernier qui a placé ses hommes de main aux postes clés d'Agriculture et du Commerce. Il était au cœur de la négociation des autres maroquins. Une mafia a-t-elle remplacé une autre ? Cissé ou Fagbohoun se sont-ils réincarnés?

Nous osons espérer que le docteur Thomas Boni Yayi trouvera l'alchimie idoine pour se débarrasser de ce curieux copinage. Si non, les jeunes déjà déçus qu'aucun des leurs n'a symboliquement été associé au quadrilatère de l'Exécutif, ne se feront pas priés pour retourner au chef de l'Etat son arme atomique : le changement !

Alain Kisito